Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/347

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malheureux d’avoir perdu soudainement notre vieux commandant, sans avoir encore à craindre pour ces dames. Quant à ces misérables qui sont en bas, ne vous en inquiétez pas ; ce sera une tâche facile que de les occuper, comparée à celle que va remplir Votre Honneur.

L’air triste de Willoughby, en allant trouver sa mère, montrait bien qu’il pensait comme le sergent. Pourtant le moment était favorable et n’admettait pas de délai. Willoughby allait consoler sa mère et pleurer avec elle sur le corps de celui qu’ils avaient perdu.

Malgré tout ce qui était arrivé au dedans et au dehors de la place la portion de la maison occupée par la veuve et ses filles était silencieuse et grave. Tous les domestiques étaient ou dans la galerie ou aux lucarnes, laissant les cuisines et les offices déserts. Le major entra d’abord dans une petite antichambre qui se trouvait entre une chambre à provisions et l’appartement qu’occupait habituellement sa mère. Il s’arrêta et écouta une minute, dans l’espoir d’entendre quelque chose qui pût le préparer à la scène qui allait se passer : pas un murmure, pas un gémissement, pas un sanglot. Il s’aventura à frapper doucement à la porte, on ne lui répondit pas. Il attendit une autre minute, et avec autant de crainte que de respect, il leva le loquet et entra aussi tristement que s’il eût pénétré dans le tombeau d’une personne aimée. Une seule lampe le guida dans les détours de cet endroit solennel.

Au milieu de la chambre était étendu sur une grande table le corps du capitaine Willoughby. La face était élevée et les membres avaient été arrangés avec soin. Aucun changement n’avait été fait dans les vêtements : le capitaine portait encore sa blouse de chasse ; seulement la teinte rougeâtre qui en tachait un des côtés avait été soigneusement cachée par la grande briseuse. Le passage de la vie à l’éternité s’était fait si soudainement que la physionomie avait gardé son expression habituelle de bienveillance ; la pâleur qui avait succédé au teint naturel, montrait seule que ce repos était non le repos du sommeil, mais celui de la mort.

Le corps de son père fut le premier objet que rencontra le regard du major. Il s’avança, s’inclina, baisa ce front pâle avec respect, et gémit sous l’effort qu’il lui fallut faire pour essayer de réprimer son chagrin. Alors il se retourna pour voir les visages