Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/348

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bien-aimés qu’il cherchait. Beulah était assise dans un coin de la chambre, tenant son enfant pressé sur son cœur comme pour le protéger ; elle attachait avec angoisse son regard sur la forme inanimée de celui qu’elle avait aimé d’un amour de fille. La présence de son frère lui fit à peine détourner les yeux de ce triste spectacle. La jeune femme baissa son visage sur son enfant et pleura convulsivement. Le major s’approcha d’elle et l’embrassa. Ils se comprenaient. Beulah, incapable de le regarder, lui tendit une main qu’il pressa fraternellement.

Maud était agenouillée à côté du lit. Son attitude montrait la distraction d’un esprit absorbé dans l’adoration. Quoique le cœur de Willoughby le poussât à la relever, à la consoler, à lui offrir sa protection pour l’avenir, il respectait trop sa présente occupation pour l’interrompre. Son œil se détourna de cet objet chéri et il regarda sa mère.

Mistress Willoughby avait échappé aux premiers regards de son fils, à cause de la position dans laquelle elle s’était placée. La vieille dame occupait un coin de la chambre presque caché par la draperie d’un rideau de fenêtre ; c’était évidemment l’effet du hasard plutôt que d’une préméditation. Willoughby tressaillit en regardant le visage de sa mère bien-aimée, et il sentit un frisson parcourir tout son être. Elle était debout, sans mouvement, sans larmes, sans aucune des faiblesses qui peuvent soulager le chagrin. Sa douce physionomie était éclairée par la lampe et ses yeux attachés sur le visage du mort. Elle était dans cette position depuis plusieurs heures ; ni les tendres soins de ses filles, ni les attendrissements de ses domestiques, ni son propre chagrin, n’avaient produit aucun changement. Les clameurs de l’assaut avaient même passé sur elle comme le souffle du vent.

— Ma mère, ma chère mère, ma pauvre et malheureuse mère ! s’écria Willoughby, et il se précipita ses pieds.

Bob, le bien-aimé Bob, l’orgueil et la joie de sa mère, était là, et elle ne s’en apercevait même pas. Le cœur qui avait si longtemps battu pour les autres, et qui semblait n’avoir de désirs et de pulsations que pour les objets de son affection, n’avait pas eu assez de fermeté pour supporter le coup qui l’avait frappé si inopinément. Elle vivait encore, c’était tout, et la volonté n’exerçait plus son pouvoir que sur les fonctions animales. Son fils lui dérobait la vue du corps, et elle fit un mouvement d’impatience qu’il ne lui