Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je suppose que tu es trop damoiseau, Robert, pour fumer, dit le père en souriant. À ton âge, je détestais la pipe, ou plutôt j’en avais peur, la seule fumée alors de mode parmi nos habits écarlates étant la fumée du canon. Eh bien, comment vont Gage et tes voisins les Yankees ?

— Ma foi, Monsieur, dit le major en regardant derrière lui pour voir si la porte était bien fermée, pour vous dire la vérité, ma visite actuelle se rapporte à cette malheureuse querelle.

Le capitaine et le chapelain ôtèrent tous deux la pipe de leur bouche, tous deux prenant une attitude de surprise et d’attention.

— En vérité ! s’écria le premier. Je croyais que je devais ce plaisir inattendu à ton désir de m’apprendre que j’avais hérité des honneurs d’un baronnetage !

— C’était un des motifs, Monsieur, mais le moindre. Je vous prie de considérer la singularité de ma position, comme officier du roi, au milieu de ses ennemis.

— Du diable ! Dites donc, chapelain, ceci sent l’hérésie et le schisme. Appelles-tu être au milieu d’ennemis lorsque tu loges dans la maison de ton père ? C’est une révolte contre la nature, ce qui est bien pis qu’une révolte contre le roi.

— Mon cher père, personne ne sera plus que moi en sécurité avec vous, et même avec M. Woods. Mais il y a dans cette partie du monde d’autres personnes que vous, et votre établissement pourrait ne pas être en sûreté huit jours de plus, il ne le serait certainement pas, si ma présence ici était connue.

Les deux auditeurs déposèrent leurs pipes, et la fumée commença à se dissiper, comme si elle s’était élevée d’un champ de bataille. Ils regardaient le capitaine avec étonnement et curiosité.

— Quelle est la signification de tout ceci, mon fils ? demanda gravement le capitaine. Est-il arrivé quelque chose de nouveau pour compliquer les vieux sujets de querelle ?

— Le sang a coulé, Monsieur, la rébellion ouverte a commencé.

— C’est une chose sérieuse, en effet, s’il en est ainsi. Mais n’exagères-tu pas les conséquences de quelque nouvelle imprudence des soldats qui auront tiré sur le peuple ? Rappelle-toi que dans la première affaire, même les autorités coloniales ont justifié les officiers.