Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/43

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lendemain matin, à l’entrée de Broadway, dans la plaine où devait se célébrer la fête de Pinkster.

Mon oncle et ma tante demeuraient alors dans Duke-Street, près de Hanover-Square. Ils me reçurent comme l’enfant de la maison. Mon oncle était un excellent homme, quoiqu’il fût trop porté à tomber dans l’absurde quand il était question des droits de la populace. Je fus charmé de l’accueil qui me fut fait ; à huit heures et demie, je pris ma part d’un excellent souper chaud, et en sortant de table, comme je ne pouvais cacher que j’étais fatigué après une si longue course à cheval, je me retirai dans ma chambre.

Le lendemain était le premier jour des fêtes. Ce sont les grandes saturnales des nègres de New-York. J’avais dit à ma tante de ne pas m’attendre pour déjeuner ; que je partirais au point du jour, afin de pouvoir me promener un peu sur le quai, avant de me rendre au lieu de la fête. En effet, le lendemain je sortis de bonne heure, quoique un heure plus tard que je n’en avais eu l’intention ; car j’entendis déjà un bruit de tasses qui annonçait qu’on préparait la table pour le déjeuner. Je réfléchis alors que sans doute tous les domestiques demanderaient à aller voir la fête, et que je ferais bien de ne pas rentrer pour dîner. Je courus en prévenir Junon, la négresse que je trouvai au petit parloir, et d’un bond je fus dans la rue.

J’entrais dans Hanover-Square, quand je vis un vieux nègre qui cherchait à ramasser quelques sous avant de prendre part aux amusements de la journée. Il portait suspendus à ses épaules, deux seaux qui étaient luisants de propreté. Il criait : vin blanc ! vin blanc ! d’une voix sonore, et je fus auprès de lui en un moment. Il n’est rien que j’aime le matin comme un verre de petit vin blanc, et je me procurai ce régal, que j’accompagnai d’un gâteau. Ainsi restauré, je me promenai dans le Square, dont la beauté m’avait frappé la veille au soir. À ma grande surprise, ne voilà-t-il pas qu’au beau milieu de Queen-Street, j’aperçois Jason Newcome, regardant autour de lui de l’air le plus ébahi du monde, et sentant d’une lieue son Connecticut ! Quelques mots d’explication m’apprirent le secret de sa présence. Ses écoliers avaient congé pour quelques jours à l’occasion de la fête,