Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eut cessé de parler, ils jetèrent l’un sur l’autre à la dérobée un coup d’œil expressif. Aucun d’eux ne prit pourtant la parole, et après une courte pause, comme pour laisser le temps à ce qu’il venait de dire de faire impression sur leur esprit, le colonel continua :

— Nous n’avons aucune preuve, à ma connaissance, que vous ayez la moindre liaison on relation avec les ennemis de ce pays ; mais comme vous avez été trouvés hors du grand chemin du roi, sur une route de traverse qui, comme je dois pourtant en convenir, est fréquentée par tous les habitants des environs, le soin de notre sûreté doit nous porter à vous faire quelques questions auxquelles nous espérons que vous répondrez d’une manière satisfaisante. Et pour me servir de vos phrases nautiques, d’où faites-vous voile, et pour quel port êtes-vous frétés ?

Une voix dont le son était bas et creux répondit :

— De Sunderland ; et nous sommes frétés pour Whitehaven.

À peine cette réponse simple et directe eut-elle été faite, que l’attention de tous ceux qui venaient de l’entendre fut attirée sur Alix Dunscombe ; elle poussa un cri qui paraissait inspiré par l’effroi ; car elle se leva involontairement, et ses yeux égarés parcouraient tout l’appartement comme pour y chercher quelque chose.

— Vous trouvez-vous indisposée, miss Alix ? demanda la voix douce de Cécile. Oui, vous l’êtes bien sûrement. Appuyez-vous sur mon bras, je vous conduirai dans votre appartement.

— L’avez-vous entendu, ou n’était-ce que l’ouvrage de mon imagination ? s’écria miss Dunscombe, les joues pâles comme la mort, et le corps agité de convulsions ; dites, l’avez-vous entendu aussi ?

— Je n’ai entendu que la voix de mon oncle ; le voilà près de vous, inquiet, comme nous le sommes tous, de vous voir dans une telle agitation.

Alix continuait à jeter des regards égarés sur tous ceux qui l’entouraient, et même sur les trois hommes debout à l’extrémité de l’appartement, spectateurs passifs et silencieux de cette scène extraordinaire. Enfin elle se cacha les yeux des deux mains, comme pour se dérober à quelque horrible vision, et les retirant ensuite, elle fit signe à Cécile qu’elle désirait quitter l’appartement. Elle ne répondit aux offres de service du colonel, du capi-