Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/162

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— Je ne le nie pas, répondit Manuel, qui crut que cette marche était la plus sûre.

— Vous avez le consentement de votre maîtresse ; l’argent est prêt ; mais les vieilles gens disent : Halte là !

— Je suis muet.

— C’est prudent. Vous vous dites : — Marche ! Gretna-Green est le but de votre course, et vous vous y rendez par eau.

— Si je ne puis m’échapper par eau, je ne m’échapperai jamais, dit Manuel, en portant encore machinalement la main à son cou.

— Continuez à être muet ; vous n’avez pas besoin de me rien dire. Je serais en état cette nuit de percer un mystère, fût-il aussi profond qu’un puits. Vos compagnons sont des gens soudoyés ; peut-être des compagnons d’armes qui vous servent de pilotes dans votre expédition.

— L’un est mon camarade, l’autre nous sert de pilote, répondit Manuel avec plus de vérité qu’il ne l’avait fait jusqu’alors.

— Vos précautions sont bien prises. Encore un mot, et je deviens muet à mon tour. L’objet que vous cherchez demeure-t-il dans cette maison ?

— Non, mais il n’en est qu’à peu de distance, et je m’estimerais bien heureux si je pouvais…

— Tourner à droite pour la voir ? Écoutez-moi, et vos désirs seront accomplis. Vous avez les jambes encore assez fermes pour marcher, ce qui n’est pas un petit privilège à l’heure qu’il est. Ouvrez cette fenêtre ; elle peut servir à votre évasion.

Manuel s’empressa de suivre ce conseil, mais à peine eut-il avancé la tête à la croisée, qu’il s’en détourna d’un air peu satisfait.

— Tenter un pareil saut, dit-il, ce serait se vouer à une mort certaine. Le diable seul pourrait s’envoler par-là.

— C’est ce que je pense, dit Borroughcliffe d’un ton sec. Il faut pourtant vous résoudre à passer le reste de vos jours pour le respectable personnage dont vous parlez ; car c’est par cette croisée qu’il faut que vous vous envoliez sur les ailes de l’amour.

— Mais comment ? la chose est impossible.

— En imagination seulement. Votre présence a fait naître de sottes craintes et une vaine curiosité dans l’imagination de certains habitants de cette maison. Ils craignent les rebelles ; mais comme nous le savons fort bien vous et moi, les rebelles n’ont pas assez de bras pour faire leur besogne chez eux, et il est impos-