Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/163

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sible qu’ils songent à venir ici nous tailler des croupières. Vous désirez pouvoir continuer votre course amoureuse, moi je désire servir un camarade dans l’embarras. Il faudra qu’on suppose que vous vous êtes envolé par cette fenêtre, peu importe comment, tandis qu’en me suivant vous allez passer tranquillement devant la sentinelle sur vos deux bonnes jambes.

C’était une conclusion qui excédait tout ce que Manuel avait pu se promettre d’une conversation amicale, mais assez étrange. À peine l’eut-il entendue, qu’il revêtit la partie de ses habits que son agitation lui avait rendus trop pesants, et en moins de temps qu’il ne nous en faut pour le dire, le capitaine américain était de nouveau métamorphosé en matelot et prêt à partir. Borroughcliffe se redressa avec un air d’importance, et quand il eut réussi à s’établir assez fermement sur ses pieds, il ouvrit la porte, dit à son prisonnier de le suivre, et ils entrèrent ensemble dans le corridor.

— Qui va là ? s’écria le factionnaire avec une vigilance qui semblait vouloir expier la faiblesse dont quelques instants auparavant il avait été coupable.

— Marchez droit, afin qu’il puisse vous voir, dit Borroughcliffe avec beaucoup de philosophie.

— Qui va là ? répéta la sentinelle en frappant le plancher de la crosse de son fusil avec un bruit qui retentit dans tout le corridor.

— Faites comme moi, dit Borroughcliffe à Manuel, marchez en zigzag, afin que s’il tire il puisse nous manquer.

— Nous attraperons une balle avec toutes ces folies, murmura Manuel. Nous sommes amis, cria-t-il à la sentinelle, et votre officier est un de nous.

— Halte là, ami ! répondit le factionnaire. En avant l’officier et voyons le mot d’ordre.

— En avant ! murmura à son tour Borroughcliffe dont les jambes chancelaient ; cela est plus aisé à ordonner qu’à exécuter. Allons, camarade amphibie, vos jambes sont aussi fermes que celles d’un facteur de la poste ; placez-vous à l’avant-garde et faites entendre le son magique du mot Loyauté ! C’est le mot d’ordre de tous les jours dans cette maison ; il a été donné par notre hôte, le vieux colonel. Eh bien ! pourquoi vous arrêtez-vous ? la côte est libre.

Manuel avait fait deux ou trois pas avec empressement, mais