Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/164

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une réflexion l’avait arrêté tout à coup, et il se retourna vers l’officier anglais.

— Et mes compagnons ! je ne puis rien faire sans eux.

— Ah ! ah ! les clefs sont sur leurs portes. Peters ne voulait plus me faire attendre. Eh bien ! entrez, rassemblez vos forces.

Borroughcliffe avait à peine cessé de parler, que Manuel était déjà dans la chambre de Griffith. Il lui communiqua en deux mots la situation des choses, sortit avec lui, et entra dans la chambre du pilote.

— Suivez-moi, lui dit-il ; comportez-vous comme de coutume, ne dites pas un mot, et fiez-vous à moi.

Le pilote se leva et le suivit avec le sang-froid le plus admirable, sans lui faire une seule question.

— Je suis prêt à partir, dit Manuel en rejoignant Borroughcliffe.

Pendant le court intervalle qu’exigèrent ces préliminaires, la sentinelle et son capitaine étaient immobiles, les yeux fixés l’un sur l’autre avec toute la précision de la discipline, l’un voulant prouver sa vigilance, l’autre attendant le retour de son compagnon. Le capitaine anglais dit alors à Manuel d’avancer et de donner le mot d’ordre au factionnaire.

Loyauté ! dit Manuel en s’avançant.

Mais le soldat avait eu le temps de réfléchir, et comme il voyait dans quel état se trouvaient la tête et les jambes de son officier, il hésita à laisser passer les prisonniers.

— Avancez ! répondit-il pourtant. Mais quand ils furent près de lui, il mit son fusil en travers pour leur barrer le passage, et s’adressant à Borroughcliffe : Ils ont le mot d’ordre, mon capitaine, lui dit-il, mais je n’ose les laisser passer.

— Et pourquoi, drôle ? ne suis-je pas ici ? Ne me connaissez-vous pas ?

— Pardon, mon capitaine ; je vous connais et je vous respecte, mais j’ai été placé ici par mon sergent, et ma consigne est de ne laisser passer ces prisonniers pour quelque cause que ce soit.

— Voilà ce que j’appelle de la discipline, dit Borroughcliffe en riant avec un air de satisfaction. Je me doutais que ce brave garçon qu’écouterait pas plus mes ordres qu’il n’obéirait à ceux de cette lampe. Nous n’avons pas ici des esclaves de la lampe, mon camarade amphibie. Exercez-vous nos marins à une discipline si scrupuleuse ?