Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/199

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— Vengeance pour Tom-le-Long ! à l’abordage ! la victoire ou la mort !

Les Américains se précipitèrent comme un torrent sur la proue de l’Alerte, et se répandirent sur le pont, non sans se voir vivement disputer le passage. Le capitaine anglais commençait à sentir qu’il était le plus faible, mais il n’en était pas intimidé ; il ralliait ses gens, ranimait leur courage, et payait de sa personne comme un soldat. On combattait alors sur le tillac corps à corps comme dans une mêlée, et dans cette confusion le sabre et le pistolet étaient presque les seules armes qu’on pût employer.

Barnstable, à la tête de ses braves marins, devint en quelque sorte un point de mire pour les Anglais, qui ne lui cédaient le terrain que pied à pied. Dans la mêlée qui s’ensuivit, le hasard voulut que les deux commandants se trouvassent aux deux extrémités opposées du navire ; et partout où ils étaient la victoire semblait se déclarer pour chacun d’eux. Mais le capitaine anglais voyant enfin que, tandis qu’il se maintenait avec avantage vers la poupe, tout cédait à Barnstable du côté de la proue, résolut de décider l’affaire en l’attaquant lui-même. Il marcha donc vers lui avec deux ou trois de ses plus braves marins, et un de ceux qui l’accompagnaient, couchant en joue le commandant américain, était sur le point de faire feu, quand Merry, qui, s’étant aperçu de son dessein, s’était glissé entre les combattants, lui porta un coup qui le renversa. L’Anglais blessé, et proférant d’horribles imprécations, ramassa à la hâte le fusil échappé de ses mains, et il allait sacrifier à sa vengeance le jeune midshipman, quand celui-ci le prévint en lui plongeant son poignard dans le sein.

— Huzza ! cria Barnstable qui continuait à gagner du terrain ; vengeance et victoire !

— Nous les tenons ! s’écria le capitaine anglais ; et s’adressant à ceux de ses gens qui combattaient contre Barnstable et ceux qui l’accompagnaient : — Laissez-les passer, ajouta-t-il ; en arrière ! et mettez-les entre deux feux.

Cet ordre bien exécuté aurait pu changer la face des affaires, sans un événement très-inattendu qui vint tout déranger. Un homme d’une taille gigantesque, nu jusqu’à la ceinture, parut en ce moment dans les porte-haubans du cutter, sortant de la mer et sautant sur le tillac au même instant. C’était Tom Coffin, dont