Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/217

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de sang-froid jusque près de la porte pour reconnaître leur situation, et il hésita à faire une sortie contre un ennemi si avantageusement posté.

Plusieurs coups de fusil furent tirés de part et d’autre sans produire aucun effet, et Borroughcliffe, voyant l’inutilité de ce genre d’attaque, proposa un pourparler.

— Rendez-vous aux forces de Sa Majesté George III, s’écria-t-il, et je vous promets quartier.

— Lâchez votre prisonnier, répondit Manuel, assurez-nous le passage libre à nos vaisseaux. Que la garnison se retire avec les honneurs de la guerre, et que les officiers conservent leurs armes.

— Impossible ! répondit Borroughcliffe avec beaucoup de gravité. L’honneur des armes de Sa Majesté et l’intérêt de son royaume ne permettent pas une telle capitulation. Je vous promets quartier et traitement honorable.

— Le prisonnier sera relâché, les officiers conserveront leurs armes, et ils seront renvoyés en Amérique ainsi que les soldats, sous parole de ne pas servir jusqu’à ce qu’ils aient été échangés.

— Refusé. Tout ce que je puis accorder aux officiers, c’est une généreuse libation de certain nectar mûri par le soleil du sud de la Caroline, et si vous êtes celui pour lequel je vous prends, vous êtes en état d’apprécier cette offre.

— En quelle qualité nous sommez-vous de nous rendre ? Est-ce comme prisonniers assujettis aux lois ordinaires de la guerre, ou comme rebelles à votre roi ?

— Comme rebelles, Messieurs, je ne puis voir en vous que des rebelles. Je vous promets bon traitement et bonne chère en tout ce qui dépendra de moi ; sous tout autre rapport, vous êtes à la merci de Sa très-gracieuse Majesté.

— Eh bien ! que Sa Majesté vienne nous montrer sa très-gracieuse face, et nous prendre si elle le peut, car je veux être damné si…

Le capitaine fut interrompu par Griffith, dont la bouillante effervescence avait eu le temps de se calmer, et qui, regardant son sort comme décidé, songeait à celui de ses camarades.

— Silence, Manuel ! s’écria-t-il, ne faites pas de serments téméraires. Capitaine Borroughcliffe, car je crois que tel est votre nom, je me nomme Édouard Griffith ; je suis lieutenant de marine