Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/232

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compagnons étaient prisonniers. La prise supposée d’un schooner américain était un événement qui n’excitait que peu d’intérêt et pas la moindre surprise chez un peuple accoutumé à regarder ses marins comme invincibles. Barnstable n’avait donc pas trouvé beaucoup de difficultés à tromper le petit nombre de pêcheurs que la curiosité avait portés à s’approcher de ses bâtiments sur leurs petites barques, pendant le crépuscule. Mais quand les brouillards du soir commencèrent à s’élever de la surface de cet étroit bassin, et que les sinuosités des côtes disparurent pour se confondre en une ligne noire et obscure, le jeune marin pensa qu’il était temps de songer sérieusement à son devoir.

Il fit lever l’ancre dans le plus grand silence à bord de l’Alerte, où se trouvaient ce qui restait de l’équipage de ce cutter et tous les blessés de l’Ariel ; et la prise, favorisée par un vent qui soufflait de terre, sortit de la baie, entra en pleine mer et déploya toutes ses voiles pour chercher la frégate. Barnstable suivit des yeux ce mouvement avec une inquiétude qui lui permettait à peine de respirer ; car on avait établi sur une éminence qui commandait la mer, jusqu’à une certaine distance, une batterie dont l’objet était de protéger cette baie contre les insultes et les déprédations des petits bâtiments ennemis, et l’on y entretenait en tout temps une force suffisante pour le service de deux gros canons. Il ignorait jusqu’à quel point son stratagème avait pu réussir, et ce ne fut que lorsqu’il entendit le bruit du vent qui enflait les voiles de l’Alerte, qu’il fut convaincu que ce cutter n’avait plus rien à craindre.

— Ce bruit atteindra les oreilles des Anglais, dit le jeune Merry qui était debout sur le gaillard d’avant du schooner, à côté du commandant, et qui écoutait avec une vive attention des sons rendus plus remarquables par le silence de la nuit ; ils ont placé un factionnaire sur cette pointe à la chute du jour, et pour peu qu’il ne soit ni mort ni endormi, il concevra nécessairement quelques soupçons.

— Jamais, répondit Barnstable d’un ton qui annonçait la fin de ses craintes ; il croirait que c’est une sirène qui fait jouer son éventail pour se rafraîchir par cette nuit froide, plutôt que de soupçonner le fait véritable. Qu’en dites-vous, maître Coffin ? le soldat se doutera-t-il de la vérité ?

— Ne me parlez pas de cette race, dit le contre-maître d’un air