Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/239

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risques pour Griffith ; et si nous réussissons à tromper la batterie, nous pouvons le sauver.

Il ne fut plus question de l’état du temps. Dillon n’avait pas hasardé une seule remarque depuis qu’il était entré dans la barque, et le contre-maître avait eu assez de discrétion pour comprendre que son officier voulait l’abandonner à ses propres réflexions. Pendant près d’une heure ils continuèrent à avancer avec rapidité ; les vigoureux marins qui tenaient les rames faisaient voguer leur petite barque le long de la côte avec une vélocité incroyable et, à ce qu’il paraissait, sans se fatiguer.

De temps en temps Barnstable jetait un regard sur les petites anses devant lesquelles il passait, et examinait avec l’œil exercé d’un marin un espace étroit de terrain sablonneux entre les rochers qui formaient une ligne continue sur le rivage. Il remarqua particulièrement une sinuosité un peu plus profonde que les autres, et dans laquelle on entendait le bruit d’un petit ruisseau ; il la désigna à son contre-maître par un geste expressif de la main, comme un endroit qu’il fallait spécialement reconnaître. Tom Coffin comprit fort bien ce signe qui n’était destiné que pour lui seul, et il fit sur-le-champ ses observations avec la même taciturnité, mais avec toute l’exactitude d’un homme habitué depuis longtemps à graver dans sa mémoire le gisement des côtes. Peu de temps après cette communication muette entre le commandant et le contre-maître, la barque tourna tout à coup, et l’on s’apprêtait à la lancer contre une petite langue de terre sablonneuse quand Barnstable fit un geste qui arrêta tous les bras.

— Silence ! s’écria-t-il à demi-voix ; j’entends un bruit de rames.

Les marins restèrent un moment dans l’inaction, et chacun prêta l’oreille pour entendre le bruit qui avait alarmé Barnstable.

— Voyez, Monsieur, dit Tom Coffin en allongeant la main du côté de l’est, voilà une barque sur l’Océan, juste sur la ligne de la raie de lumière dont je vous parlais. Ah ! elle s’enfonce entre deux vagues. Tenez ! la voilà qui reparaît !

— De par le ciel ! s’écria le lieutenant, c’est le bruit des rames d’un vaisseau de guerre. Écoutez avec quel ensemble elles frappent l’eau ! ce ne sont ni des pêcheurs ni des contrebandiers qui savent les faire mouvoir avec cette régularité.

Tom avait penché la tête presque au niveau de l’eau pour mieux entendre, et en se relevant il parla avec un ton d’assurance.