Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/252

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ensuite à lier les bras de l’officier à une des colonnes de son lit avec un sang-froid qui n’avait pas été troublé un instant depuis le commencement des hostilités, dans le plus profond silence, et avec une dextérité dont un marin seul était capable.

Lorsqu’il eut terminé cette opération, il resta un moment les bras croisés, regardant de tous côtés dans la chambre, comme s’il eût cherché quelque chose. L’épée du capitaine frappa ses yeux, il se détourna pour aller la ramasser, et revint ensuite vers son captif avec un air déterminé qui effraya tellement l’officier anglais, qu’il ne s’aperçut pas que son vainqueur avait brisé la lame, et avait déjà attaché deux bouts de corde à la poignée.

— Pour l’amour du ciel ! s’écria Borroughcliffe, ne n’assassinez pas de sang-froid !

Il n’eut que le temps de prononcer ces mots ; car déjà le pommeau d’argent de son épée entrait dans sa bouche, et les deux cordes nouées derrière son cou le laissèrent dans l’état ou plus d’un soldat mutin avait été mis par ses ordres, c’est-à-dire bien bâillonné.

Tom Coffin parut alors se regarder comme ayant droit à tous les privilèges d’un vainqueur ; car prenant une chandelle, il se mit en devoir de faire la revue de tous les effets du vaincu. Divers objets faisant partie de l’équipement militaire lui tombèrent d’abord sous la main, et il les rejeta avec mépris comme indignes de son attention. Il en trouva pourtant deux autres parfaitement semblables, d’un métal qui charme ordinairement tous les yeux, et il les considéra avec plus de curiosité, car il ne pouvait deviner quel était leur usage. La forme de ces petits instruments l’embarrassait beaucoup, surtout les deux petites roues qui en garnissaient une extrémité ; il les essaya à son cou, à ses poignets, et les examina avec la même curiosité qu’un sauvage éprouve en voyant une montre. Enfin il conclut que ces deux babioles faisaient partie des vaines décorations d’un soldat de terre, et il les rejeta avec dédain.

Borroughcliffe, quoiqu’un peu à la gêne, suivait des yeux tous les mouvements de son vainqueur, avec une bonne humeur qui aurait rétabli l’harmonie entre eux s’il avait pu exprimer la moitié de ce qu’il pensait ; il vit avec grand plaisir ses éperons favoris sauvés du pillage, quoiqu’il fût à demi suffoqué par une envie de rire à laquelle il ne pouvait se livrer.