Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/279

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vague, à l’instant où l’on allait la lancer aussi à la mer ; mais le tumulte et l’agitation du moment rendaient l’équipage presque insensible à l’horreur de cette scène.

Un cri perçant du contre-maître : — Prenez garde à vous ! tenez-vous fermes ! rappela ses compagnons au souvenir de leur situation périlleuse, et au même instant une vague soulevant l’Ariel le fit tomber en se retirant sur une pointe de rocher. Le choc fut tel que tous ceux qui avaient négligé de suivre l’avis de Tom Coffin furent jetés sur le tillac. La terreur fut générale ; cependant les marins plus expérimentés crurent un instant que le plus grand danger était passé ; mais une vague plus furieuse encore que celle qui l’avait précédée enleva de nouveau le navire, et le précipita contre les écueils, tandis qu’une lame d’eau entrant par l’arrière balaya le pont avec une violence presque irrésistible. Les marins consternés virent en ce moment la barque qu’ils avaient perdue lancée par une autre vague contre les brisants, et il n’en resta pas une seule planche. Mais l’Ariel se trouvait alors sur les rochers dans une position qui paraissait devoir le garantir quelques moments de la fureur des flots.

— Partez, mes enfants, partez, dit Barnstable quand cette crise d’incertitude terrible fut passée ; il vous reste encore une barque, et elle peut vous conduire bien près du rivage. Allez, mes enfants, que Dieu vous protége ! Vous vous êtes conduits avec honneur et fidélité ; j’espère qu’il ne vous abandonnera pas. Partez pendant que nous avons un moment de répit.

Les marins se jetèrent en masse dans la barque, qui s’enfonçait presque sous le fardeau inusité dont elle était chargée ; mais quand ils se regardèrent les uns les autres, ils virent que Barnstable, Merry, Dillon et Tom Coffin étaient encore sur l’Ariel. Le lieutenant se promenait d’un air pensif et mélancolique sur le tillac de son schooner, tandis que le midshipman, lui prenant le bras, le suppliait, sans en être écouté, de quitter le navire naufragé. Dillon fit plus d’une tentative pour passer dans la barque ; mais chaque fois qu’il s’approchait du bord du navire les matelots lui faisaient des gestes menaçants qui l’obligeaient à s’éloigner avec désespoir. Tom s’était assis sur le pied du beaupré dans l’attitude calme de la résignation, et, ne répondait aux cris répétés de ses compagnons qu’en leur faisant signe de gagner le rivage.