Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/291

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C’est une voile, Monsieur ! aussi sûr qu’une voile peut s’étendre par un tel ouragan.

— Je vois ce que vous voulez dire, Merry ; mais on dirait que c’est une mouette volant à fleur d’eau. Ah ! le voilà soulevé par une vague ! oui, c’est un bâtiment. Donnez-moi votre lunette Merry ; nous avons peut-être des amis en mer.

Merry attendait avec l’impatience d’un jeune homme le résultat de l’examen de son lieutenant, et il ne tarda pas à lui demander :

— Eh bien ! que pensez-vous ? est-ce la frégate ou le cutter ?

— Il semble qu’il nous reste encore quelque espoir. C’est un vaisseau à la cape, vent dessus, vent dedans. Si l’on osait se montrer sur le sommet de ce rocher, il serait plus facile de s’assurer si c’est notre frégate. Mais je crois reconnaître ses vergues, quoique sa grande voile disparaisse à chaque instant entre les vagues, et qu’on ne voie plus que la pointe nue de ses mâts, raccourcis de leurs perroquets.

— On jurerait, dit Merry que le plaisir rendait volontiers ironique, que le vieux capitaine Munson s’est promis de ne jamais porter ses perroquets quand il ne peut y attacher de voiles. Je me rappelle qu’un soir M. Griffith, ayant un peu d’humeur, disait autour du cabestan qu’il supposait que le premier ordre serait de rentrer les beauprés et de mettre à la serre les mâts à pible.

— Oui, oui, Griffith est un nonchalant ; il se perd quelquefois dans les rêveries, et je suppose que le vieux modéré était alors dans une brise. Quoi qu’il en soit, il paraît sérieusement occupé dans ce moment. Il faut qu’il se soit tenu en pleine mer pendant le plus fort de la tempête, car il n’aurait jamais pu maintenir son vaisseau dans la position où il se trouve. Je crois vraiment qu’il se souvient qu’il y a quelques-uns de ses officiers et une partie de son équipage sur cette île maudite. Cela n’est pas malheureux, Merry ; car si nous nous emparons de l’abbaye, nous saurons où placer nos prisonniers.

— Il faut prendre patience jusqu’au matin, car une barque ne pourrait venir à la côte par un pareil temps.

— Venir à la côte ! Non, non. N’avez-vous pas vu périr sur les brisants la meilleure barque qui ait jamais été mise en mer ? mais le vent diminue, et d’ici au matin la mer tombera. Remettons-nous en marche, et cherchons, une retraite où ces pauvres diables puissent être plus à l’aise.