Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/296

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d’être parfaitement en état de nous expliquer comment M. Christophe Dillon a quitté l’abbaye.

Catherine ne répondit que par un nouvel éclat de rire aussi bruyant et aussi prolongé que le premier.

— Que signifie ceci ? s’écria le colonel. Permettez-moi de vous dire, miss Plowden, que cet accès de gaieté est fort extraordinaire. Je me flatte qu’on n’a pas manqué d’égards pour mon parent. Monsieur Griffith, nos conditions sont que l’échange n’aura lieu qu’en cas que les parties aient été également bien traitées de part et d’autre.

— S’il n’est pas arrivé à M. Dillon de plus grand malheur que d’exciter la gaieté de miss Plowden, Monsieur, il a tout lieu de se dire un heureux mortel.

— Je n’en sais rien, Monsieur. À Dieu ne plaise que j’oublie ce qui est dû à mes hôtes, Messieurs ! mais vous devez vous souvenir que vous êtes entrés chez moi comme ennemis de mon souverain.

— Mais non comme ennemis du colonel Howard.

— Je n’y vois pas la moindre différence, monsieur Griffith. Le roi George, ou le colonel Howard, le colonel Howard ou le roi George, c’est absolument la même chose. Nos sentiments, notre fortune, nos destinées sont indivisibles, malgré l’intervalle immense qu’il a plu à la Providence d’établir entre le prince et les sujets. Je ne désire rien de plus que de partager, à une humble distance, la prospérité ou le malheur de mon souverain.

— Ce n’est pas ce que peuvent dire ou faire des femmes inconsidérées comme nous, mon cher oncle, qui vous occasionnera l’un ou l’autre, dit Cécile ; mais, ajouta-t-elle en se levant, voici quelqu’un qui va appeler nos pensées sur un sujet plus intéressant pour nous, notre parure.

La politesse porta le colonel Howard, qui aimait sa nièce et avait des égards pour elle, à remettre à un autre instant la suite de ses remarques ; et Catherine, avec un empressement enfantin, courut près de sa cousine, à laquelle un domestique venait d’annoncer l’arrivée d’un de ces marchands ambulants qui, portant sur leur dos toute leur boutique, parcourent les villages les plus écartés pour y vendre des marchandises en général de peu de valeur, mais qu’il serait difficile de se procurer faute de boutiques permanentes. Le dîner étant alors terminé, elle donna ordre qu’on le fît entrer ; et comme on vit qu’elle avait pour but de