Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/359

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— Tel peut être le langage de ce peuple éloigné pour lequel vous avez renoncé à votre patrie et à vos concitoyens, dit miss Dunscombe en jetant sur lui un regard timide comme pour voir jusqu’où elle pouvait aller sans éveiller son ressentiment ; mais que diront à leurs enfants vos compatriotes dont le sang se mêle à celui de vos ancêtres ?

— Ils diront tout ce que pourra leur suggérer leur politique tortueuse, tout ce que leur vanité trompée pourra leur inspirer ; mais le portrait du héros doit être tracé par ses amis comme par ses ennemis. S’il y a des glaives en Amérique, croyez-vous qu’il ne s’y trouve pas aussi des plumes ?

— J’ai entendu parler de cette Amérique, John, comme d’un pays auquel Dieu a prodigué ses faveurs d’une main libérale, où il a réuni différents climats et toutes leurs productions, où il donne des preuves de son pouvoir comme de sa magnificence. On le dit arrosé par des fleuves dont la source est inconnue ; on dit qu’on y admire des lacs dont l’étendue ferait honte à notre Océan Germanique ; des plaines immenses couvertes de la plus belle verdure, même de ces agréables vallées qui font le charme d’un cœur simple. En un mot, John, on dit que c’est un grand pays qui peut favoriser les terribles passions, et charmer aussi les affections plus douces du cœur.

— Vous avez donc trouvé dans votre solitude des gens qui lui ont rendu justice ! Oui, c’est un pays qui peut seul former un monde. Et pourquoi ceux qui l’occupent recevraient-ils des lois des autres nations ?

— Je ne prétends pas discuter le droit que peuvent avoir les enfants de cette contrée de faire tout ce qu’ils croient pouvoir assurer leur bonheur. Mais est-il possible que des gens nés dans un tel pays ne connaissent pas le sentiment qui attache tout homme au lieu où il a reçu le jour !

— Pouvez-vous douter qu’ils le connaissent ? s’écria le piloté avec surprise. Leurs efforts dans cette cause sacrée, leurs souffrances, leur patience, les longues privations qu’ils se sont imposées, ne le proclament-ils pas assez hautement ?

— Et croyez-vous que ceux qui savent si bien aimer leur patrie seront disposés à chanter les louanges de celui qui a levé une main sacrilège contre la sienne ?

— Toujours le même reproche ! s’écria le pilote qui reconnut