Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/360

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alors le but où Alix voulait arriver. L’homme est-il un arbuste ou une pierre pour qu’il faille qu’il soit jeté au feu ou enterré dans une muraille sur le sol où le hasard l’a fait naître ? Le son de ce mot patrie nourrit la vanité d’un Anglais en quelque lieu qu’il se trouve, mais il paraît qu’il a des charmes plus puissants encore sur le cœur des Anglaises.

— C’est celui qui doit être le plus cher au cœur d’une femme, John ; car il renferme tous les nœuds les plus doux. Si vos dames d’Amérique n’en connaissent pas les charmes, toutes les faveurs que Dieu a accordées à leur pays ne contribueront que bien peu à leur bonheur.

— Alix, dit le pilote en se levant avec agitation, je ne vois que trop le but de vos allusions, mais nous ne serons jamais d’accord sur ce point. Tout le pouvoir que vous avez sur moi serait insuffisant pour me détourner du glorieux sentier que je suis en ce moment. Le temps nous presse ; parlons d’autre chose. C’est peut-être la dernière fois que je mettrai le pied sur le sol de la Grande-Bretagne.

Alix ne répondit pas sur-le-champ. Elle avait à combattre l’impression pénible que faisait sur elle cette dernière remarque ; mais bientôt maîtresse de ce mouvement de faiblesse, elle reprit le ton qu’elle croyait que son devoir exigeait d’elle.

— Et quels exploits ont marqué le court séjour que vous venez d’y faire, John ? Vous avez détruit le repos d’une famille paisible ; vous avez commis un acte de violence contre un vieillard ; sont-ce là les hauts faits qui doivent illustrer votre sentier de gloire ?

— Croyez-vous que j’aie débarqué dans ce pays, que j’aie placé ma vie entre les mains de mes ennemis, pour un objet si indigne de moi ? Non, Alix ; j’ai échoué dans mon entreprise, et par conséquent on ne saura jamais quel en était le but. C’est le zèle pour la cause que j’ai embrassée qui m’a inspiré la démarche que vous condamnez si inconsidérément. Quant à ce colonel Howard, ceux qui gouvernent l’Angleterre ne sont pas sans égard pour lui, et le prix de sa liberté sera celle de quelque patriote valant mieux que lui. Pour ses pupilles, vous oubliez votre mot magique : leur patrie est en Amérique, à moins qu’elles n’en trouvent plus promptement une autre sous le pavillon libre d’une frégate qui les attend à peu de distance des côtes.

— Vous parlez d’une frégate ? dit miss Dunscombe avec une