Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/404

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chaleur du combat, et dès l’instant qu’il avait cessé, il avait ordonné qu’on replaçât les cloisons de la cabane, et qu’on y remît le mobilier qu’on en avait retiré. Quoique des devoirs, plus impérieux l’eussent empêché d’y veiller en personne, il ne doutait pas qu’on ne lui eût ponctuellement obéi : et il ne fut donc pas étonné d’y trouver l’ordre rétabli, mais il n’était nullement préparé à y voir la scène qui s’offrit à ses yeux.

Entre deux gros canons qu’on n’avait pas encore eu le temps d’en retirer et qui donnaient un air fort étrange à un appartement meublé d’ailleurs de la manière la plus commode, le colonel Howard, évidemment près de sa fin, était étendu sur un grand sofa. Cécile pleurait à genoux à son côté, et ses beaux cheveux noirs tombaient en désordre jusqu’à ses pieds. Catherine était à demi penchée sur le corps du vieillard mourant, versant des larmes avec une expression de pitié mêlée de celle des reproches qu’elle s’adressait à elle-même. Quelques domestiques des deux sexes entouraient ce groupe, et leur physionomie annonçait qu’ils ne conservaient pas plus d’espérance que le chirurgien.

Tout le mobilier ayant été replacé avec un soin qui aurait pu faire douter que le combat avait eu lieu, le sofa en face de celui sur lequel reposait le colonel était occupé par Boltrope, sa tête appuyée sur les genoux de l’intendant du vaisseau, et une main placée dans celle de son ami le chapelain.

Griffith avait appuis la blessure du quartier-maître ; mais ce fut à ses yeux qu’il dut la première nouvelle de la situation du colonel. Après quelques instants dont il eut besoin pour se remettre du choc que lui fit éprouver cette découverte, il s’approcha du sofa, et il exprima ses regrets et son chagrin avec un accent de sincérité.

— Ne m’en dites, pas davantage, Édouard Griffith, dit le colonel en faisant un signe de la main, pour lui imposer silence ; il semble, d’après ce qui vient de se passer, que la volonté de Dieu est que cette rébellion triomphe ; et ce n’est pas à un faible mortel qu’il appartient d’accuser des actes de sa toute-puissance. C’est un mystère profond pour mes facultés confondues ; mais ce que Dieu permet a toujours quelque cause renfermée dans le secret de sa providence impénétrable. J’ai désiré vous voir, Édouard, pour une affaire que je voudrais terminer avant de mourir, afin qu’on ne puisse pas accuser, le vieux George Howard d’avoir