Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/405

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négligé ses devoirs, même dans ses derniers instants. Vous voyez cette jeune fille pleurant à mes côtés ; dites-moi, jeune homme, l’aimez-vous ?

— Ai-je besoin de répondre à une telle question ? dit Griffith.

— Mais l’aimerez-vous toujours ? lui tiendrez-vous lieu de père, de mère, d’oncle et de tuteur ? serez-vous l’appui constant de son innocence et de sa faiblesse ?

Griffith ne put répondre qu’en serrant la main du colonel dont il s’était emparé.

— Je vous crois, Édouard, car quoique le digne Hugues Griffith ait oublié d’inculquer à son fils ses principes de royalisme, il n’a pu négliger d’en faire un homme d’honneur ; j’avais eu la faiblesse, peut-être le tort, de concevoir des projets en faveur de mon infortuné parent M. Christophe Dillon ; mais j’ai appris qu’il s’était rendu coupable d’une lâche trahison, d’un manque de foi ; et après cela, quand même il vivrait encore, je lui refuserais la main de ma nièce, possédât-il toute la loyauté des Îles Britanniques. Mais il m’a précédé dans un monde où je vais le suivre, et où nous ne trouverons qu’un seul maître à servir, un maître auquel il aurait mieux valu que nous eussions pensé plus souvent l’un et l’autre, tout en servant les princes de la terre. Un mot de plus ; connaissez-vous bien ce jeune officier du congrès, ce M. Barnstable ?

— Nous avons fait voile ensemble des années entières, et je puis répondre de lui comme de moi-même.

Le colonel fit un effort pour se soulever, et y réussit en partie. S’appuyant sur le coude, il jeta sur le jeune lieutenant un regard pénétrant qui donna un air imposant et solennel ses traits.

— Ne m’en parlez pas comme du compagnon de vos vains plaisirs, continua le colonel ; ne m’en rendez point témoignage en ami inconsidéré. Souvenez-vous que c’est un mourant qui vous interroge et qui vous demande votre opinion avec confiance. La fille de John Plowden est un dépôt qui m’a été confié, et que je ne dois pas négliger. Ma mort serait pénible si je doutais en mourant que celui à qui je donnerai Catherine en soit digne.

— Barnstable est un homme d’honneur, un homme dont le cœur renferme autant de bonté que de bravoure. Il aime votre pupille, et quelque grand que puisse être le mérite de miss Plowden, j’ose assurer qu’il est digne d’elle. De même que moi, il a