Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/415

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vraient la Manche ; tâche difficile et périlleuse, mais dont la frégate l’Alliance, qui avait porté dans les mêmes mers les étoiles de l’Amérique, avait donné l’exemple avec succès quelques mois auparavant.

Pendant ce temps, l’Alerte, se dirigeant vers l’ouest, s’avançait rapidement vers la Hollande, et environ une heure avant le coucher du soleil elle se trouva à peu de distance des côtes. Le cutter fut disposé de nouveau en panne, par ordre du commandant. Une petite barque fut mise à la mer ; Griffith et le pilote, qui, sans qu’on songeât à lui et presque inaperçu, avait passé à bord de l’Alerte, sortirent de la cabane et montèrent sur le pont. Le pilote jeta les yeux le long de la côte comme s’il avait voulu reconnaître la position exacte du bâtiment, et porta ensuite ses regards sur la mer et sur le firmament pour s’assurer du temps. N’y voyant rien qui dût faire changer sa détermination, il présenta la main à Griffith, en lui disant avec un air de cordialité :

— C’est-ici que nous nous séparons, Monsieur ; et comme notre connaissance n’a pas amené tous les résultats que nous en espérions, permettez-moi de vous prier d’oublier que nous nous soyons jamais vus.

Griffith le salua d’un air respectueux, et le pilote continua en étendant la main avec un air de mépris du côté de la terre :

— Si j’avais à mes ordres la moitié de la marine de cette république dégénérée, le plus orgueilleux de ces fiers insulaires tremblerait dans son château, et sentirait qu’il n’y a pas de sûreté contre celui qui est plein de confiance dans sa force et qui connaît la faiblesse de son ennemi. Mais, ajouta-t-il d’un ton plus bas et plus précipité, c’est comme Liverpool, comme Whitehaven, comme Édimbourg, comme cinquante autres ; c’est fini, Monsieur, qu’il n’en soit plus question.

Sans s’inquiéter des regards curieux de tout l’équipage qui s’était rassemblé pour le voir partir, le pilote salua Griffith, sauta dans la barque, et étendit lui-même la voile avec la promptitude et la légèreté d’un homme exercé dans les détails les plus minutieux de sa profession. Tandis que les quatre rameurs faisaient avancer rapidement la barque, il fit encore un geste de la main en signe d’adieu ; et Griffith, malgré la distance, crut distinguer sur ses traits calmes un sourire amer de résignation. Le jeune marin resta longtemps immobile sur le tillac à regarder l’esquif