Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/414

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imperceptibles, et les Américains sachant qu’une large barrière de bas-fonds les en séparait, ne regardaient plus leur présence comme dangereuse.

Quand les ordres nécessaires eurent été donnés et que les navires furent prêts à partir, on reprit le vent et l’on cingla vers les côtes de la Hollande. Le vent, qui avait fraîchi vers le déclin du jour, tourna avec le soleil ; et quand cet astre disparut, la marche de nos marins avait été si rapide qu’il sembla se coucher dans le sein de l’Océan, les côtes de l’Angleterre ayant cessé depuis longtemps d’être visibles.

Pendant toute la nuit la frégate continua à voguer dans un sombre silence favorable à la mélancolie de Cécile et de Catherine, qui ne fermèrent l’œil ni l’une ni l’autre. Indépendamment de la triste scène dont elles venaient d’être les témoins, elles avaient un nouveau sujet de chagrin : elles savaient que, d’après les plans de Griffith, et en conséquence des nouveaux devoirs dont il était chargé, elles devaient se séparer le lendemain matin, peut-être pour longtemps, peut-être pour jamais.

Au point du jour, le sifflet du contre-maître fit l’appel de tout l’équipage, qui se rassembla dans un silence solennel, pour rendre les derniers devoirs aux morts. Le corps de Boltrope, de deux officiers subalternes, et de quelques marins morts de leurs blessures pendant la nuit, furent jetés à la mer avec tout le cérémonial d’usage, après quoi les voiles furent de nouveau étendues au vent, et le vaisseau, sillonnant les ondes, s’éloigna rapidement sans laisser aucune trace pour marquer l’endroit où quelques-uns de ceux qui l’avaient monté avaient trouvé leur dernier asile.

Quand le soleil fut sur le méridien, les deux navires furent de nouveau mis en panne, et l’on fit toutes les dispositions nécessaires pour la séparation. Le corps du colonel Howard fut transporté sur l’Alerte, où il fut suivi par Griffith et son épouse inconsolable, tandis que Catherine, la tête avancée à une fenêtre de la frégate, mêlait ses larmes aux ondes amères de l’Océan. Lorsque tout fut prêt pour le départ, Griffith fit ses adieux d’un signe de main à Barnstable, à qui il avait laissé le commandement de la frégate, et ce vaisseau, présentant toutes ses voiles au vent, entreprit de se frayer un passage vers l’Amérique par le détroit de Douvres et de Calais, à travers les vaisseaux anglais qui cou-