Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au moins étaient destinés à être montés par des femmes d’un rang qu’on n’était pas habitué à voir pénétrer si avant dans les lieux déserts de ce pays. Un troisième portait les harnais et les armes d’un officier de l’état-major. La simplicité des accoutrements des autres et les valises dont ils étaient chargés prouvaient qu’ils étaient destinés à des domestiques qui semblaient attendre déjà le bon plaisir de leurs maîtres. À quelque distance de ce spectacle extraordinaire il s’était formé plusieurs groupes de curieux et d’oisifs ; les uns admirant l’ardeur et la beauté du noble cheval de bataille, les autres regardant ces préparatifs avec l’air presque stupide d’une curiosité vulgaire. Il y avait pourtant parmi eux un homme qui, par son air et ses gestes, faisait une exception marquée à ceux qui composaient cette dernière classe de spectateurs.

L’extérieur de ce personnage était défavorable au dernier point, sans offrir aucune difformité particulière. Debout, sa taille surpassait celle de ses compagnons ; assis, il paraissait réduit au-dessous de la stature ordinaire de l’homme. Tous ses membres offraient le même défaut d’ensemble. Il avait la tête grosse, les épaules étroites, les bras longs, les mains petites et presque délicates, les cuisses et les jambes grêles, mais d’une longueur démesurée, et ses genoux monstrueux l’étaient moins encore que les deux pieds qui soutenaient cet étrange ensemble.

Les vêtements mal assortis de cet individu ne servaient qu’à faire ressortir encore davantage le défaut évident de ses proportions. Il avait un habit bleu de ciel, à pans larges et courts, à collet bas ; il portait des culottes collantes de maroquin jaune, et nouées à la jarretière par une bouffette flétrie de rubans blancs ; des bas de coton rayés, et des souliers à l’un desquels était attaché un éperon, complétaient le costume de la partie inférieure de son corps. Rien n’en était dérobé aux yeux ; au contraire, il semblait s’étudier à mettre en évidence toutes ses beautés, soit par simplicité, soit par vanité. De la poche énorme d’une grande veste de soie plus qu’à demi usée et ornée d’un grand galon d’argent terni, sortait un instrument qui, vu dans une compagnie aussi martiale, aurait pu passer pour quelque engin de guerre dangereux et inconnu. Quelque petit qu’il fût, cet instrument avait excité la curiosité de la plupart des Européens qui se trouvaient dans le camp, quoique la plupart des colons le maniassent