Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/29

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alliées[1]. Il a été amené parmi nous, à ce que j’ai entendu dire, par suite de quelque incident étrange dans lequel votre père se trouvait mêlé, et celui-ci le traita, dit-on, avec sévérité dans cette circonstance. Mais j’ai oublié cette vieille histoire ; il suffit qu’il soit maintenant notre ami.

— S’il a été l’ennemi de mon père, il me plaît moins encore, s’écria Alice, maintenant sérieusement effrayée. Voudriez-vous bien, lui dire quelques mots, major Heyward, afin que je puisse entendre sa voix ? C’est peut-être une folie, mais vous m’avez souvent entendue dire que j’accorde quelque confiance au présage qu’on peut tirer du son de la voix humaine.

— Ce serait peine perdue, répliqua le jeune major ; il ne répondrait probablement que par quelque exclamation. Quoiqu’il comprenne peut-être l’anglais, il affecte, comme la plupart des sauvages, de ne pas le savoir, et il daignerait moins que jamais le parler dans un moment où la guerre exige qu’il déploie toute sa dignité. Mais il s’arrête : le sentier que nous devons suivre est sans doute près d’ici.

Le major Heyward ne se trompait pas dans sa conjecture. Lorsqu’ils furent arrivés à l’endroit où l’Indien les attendait, celui-ci leur montra de la main un sentier si étroit que deux personnes ne pouvaient y passer de front, et qui s’enfonçait dans la forêt qui bordait la route militaire.

— Voilà donc notre chemin, dit le major en baissant la voix. Ne montrez point de défiance, ou vous pourriez faire naître le danger que vous appréhendez.

— Qu’en pensez-vous, Cora ? demanda Alice agitée par l’inquiétude ; si nous suivions la marche du détachement, ne serions-nous pas plus en sûreté, quelque désagrément qu’il pût en résulter ?

— Ne connaissant pas les coutumes des sauvages, Alice, dit

  1. Il exista pendant longtemps une confédération parmi les tribus indiennes occupant le nord-ouest de la colonie de New-York, qui fut d’abord désignée sous le nom des Cinq Nations. Plus tard, elle admit une autre tribu, et prit le titre des Six Nations. La confédération première était composée des Mohawks, des Oncidas, des Sénécas, des Cayugas, et des Onondagas. La sixième tribu s’appelait Tuscaroras. Il y a des restes de tous ces peuples encore existants sur des territoires qui leur sont assignés par le gouvernement, mais ils disparaissent tous les jours, soit par la mort, soit parce qu’ils se transportent au milieu de scènes plus en rapport avec leurs habitudes. Sous peu, il ne restera plus rien, que leur nom, de ces peuples extraordinaires, dans les régions où leurs pères ont vécu pendant des siècles. L’État de New-York a des comtés qui portent leurs noms, excepté celui des Mohawks et celui des Tuscaroras ; mais une des rivières principales de cet État s’appelle La Mohawk.