Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/120

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elle est doublement précieuse dans un désert comme celui-ci ? Je me souviens d’avoir entendu dire à mon père que l’hospitalité n’est pas une vertu dans un pays nouvellement habité, attendu que toute l’obligation est du côté de celui dont on veut bien venir embellir la solitude.

— La manière dont M. Temple en exerce les rites, répondit le ministre confirmerait cette opinion ; mais nous ne devons pas abuser de ses dispositions hospitalières. Soyez bien sûrs que vous nous verrez souvent, surtout ma fille, pendant les fréquentes excursions que mon ministère rend indispensables. Mais, pour obtenir quelque influence sur un peuple semblable, ajouta-t-il en jetant un coup d’œil sur quelques villageois qui étaient encore dans la salle, il ne faut pas qu’un ministre éveille l’envie en demeurant sous un toit aussi splendide que celui du juge Temple.

— Vous êtes donc satisfait du toit, monsieur Grant ? s’écria Richard, qui, occupé à donner les ordres nécessaires pour éteindre les feux et faire quelques nouveaux arrangements dans la salle, n’avait entendu que les dernières paroles du ministre ; je suis bien aise de trouver un homme de goût. Voilà le cousin ’Duke qui se donne les airs d’appliquer à ce toit toutes les épithètes insultantes que peut fournir la langue anglaise. Mais, quoique juge passable, le cousin ’Duke n’est qu’un pauvre charpentier… Eh bien ! monsieur Grant, je crois que je puis dire, sans me vanter, que nous avons célébré le service ce soir aussi bien qu’on puisse le faire dans aucune église, c’est-à-dire sauf l’orgue. Le maître d’école entonne un psaume assez proprement. J’aurais bien pu m’en charger ; mais depuis quelque temps je ne chante plus que la basse. Il faut une certaine science pour chanter la basse, et cela fournit l’occasion de déployer une voix pleine et sonore. Benjamin chante aussi la basse, mais il n’est pas fort sur la mesure. L’avez-vous jamais entendu chanter la Baie de Biscaye[1] ?

— Je crois qu’il nous en a donné un échantillon ce soir, dit Marmaduke en riant, car il a une telle prédilection pour cet air, qu’il ne peut rien chanter sans y retomber. Mais allons, Messieurs, le chemin est libre, et le sleigh nous attend. Bonsoir, ministre ; bonsoir, miss Grant, n’oubliez pas que vous devez dîner demain avec Élisabeth sous un toit d’ordre composite.

  1. Voyez une note du Dernier des Mohicans sur le nom des airs appliqués aux psaumes en Amérique