Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/144

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et au milieu de toutes les religions. Comment avez-vous trouvé le sermon ?

— Le sermon, répéta-t-elle ; à coup sûr je ne puis dire qu’il n’était pas raisonnable ; mais pour les prières, c’est tout différent. Ce n’est pas peu de chose, voyez-vous, juge, quand on est dans sa cinquante-neuvième année, que d’être obligée de se remuer sans cesse dans une église pour se lever et s’asseoir je ne sais combien de fois dans le cours d’une heure. Du reste, M. Grant paraît un digne homme, et, à coup sûr, je n’ai rien à dire contre lui. Tenez, John, voilà une pinte de cidre au genièvre : un Indien n’a pas besoin d’avoir soif pour boire.

— Je conviendrai, dit Hiram, d’un ton réfléchi, que le discours a été bien débité, et je crois qu’en général il a été entendu avec plaisir. Cependant, il s’y trouvait certaines choses qu’il aurait mieux valu supprimer, ou, pour mieux dire, remplacer par d’autres ; mais c’est ce qui n’était pas facile, puisque le sermon était écrit[1].

— Et voilà justement l’enclouure, juge, s’écria l’hôtesse ; comment un ministre peut-il être inspiré en prêchant, quand il est lié et garrotté à tout ce qu’il a écrit d’avance, ni plus ni moins qu’un dragon maraudeur à un piquet ?

— Fort bien, fort bien, dit Marmaduke en faisant un geste de la main pour leur imposer silence à tous deux ; mais en voilà bien assez. M. Grant nous a dit ce soir qu’il y avait différence d’opinion à ce sujet, et, à mon avis, il a parlé très-sensément.

Un moment de silence s’ensuivit ; mais Hiram Doolittle, ne voulant pas avoir l’air de ne plus oser rien dire, entreprit de renouer la conversation en parlant d’autre chose.

— Et quelles nouvelles nous apportez-vous du congrès, juge ? lui demanda-t-il ; il n’est pas vraisemblable qu’il ait fait grand-chose pendant cette session ? Sait-on comment les choses vont maintenant en France ?

— Depuis que les Français ont décapité leur roi, répondit Marmaduke, ils ne font plus que se battre. Le caractère de cette nation semble changé.

— Ah ! mon malheureux roi ! murmura tristement M. Le Quoi.

— J’ai connu bien des Français pendant la guerre que nous avons soutenue pour notre indépendance, continua M. Temple,

  1. Les ministres de l’église anglicane lisent généralement leurs sermons ; ceux de certaines sectes ne prêchent que d’improvisation, les méthodistes, par exemple.