Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/145

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et tous m’ont paru être des hommes pleins d’humanité, des hommes doués d’un excellent cœur ; mais ces jacobins ont soif du sang comme de vrais boule-dogues.

— Il y avait avec nous à Yorktown, dit l’hôtesse, un nommé Roschambog[1], et, à coup sûr, c’était un brave garçon, ainsi que son cheval. Ce fut là que mon pauvre sergent reçut à la jambe, en attaquant les batteries anglaises, un coup de pied de cheval qui le rendit boiteux.

— La législature[2], continua Marmaduke, a rendu plusieurs lois dont le pays avait grand besoin. Il y en a une entre autres qui défend de pêcher à la seine dans certaines rivières et dans les petits lacs, autrement qu’en saison convenable ; une autre qui défend de tuer les daims pendant les mois de gestation. J’espère que le temps viendra où l’on défendra de même d’abattre des arbres sans nécessité.

Natty écouta ce détail avec une attention qui lui permettait à peine de respirer ; et quand M. Temple eut fini de parler, il se mit à rire à la muette, suivant sa coutume, comme en dérision de ce qu’il venait d’entendre.

— Faites des lois, juge, faites des lois, dit-il ensuite ; mais où trouverez-vous du monde pour garder les montagnes pendant les longs jours d’été, et les lacs pendant les nuits ? Le gibier est gibier, et celui qui le trouve a droit de le tuer. Telle est la loi qui a existé sur ces montagnes, à ma connaissance, pendant quarante ans, et je crois qu’une vieille loi en vaut bien deux nouvelles. À moins qu’on n’eût besoin d’une paire de guêtres, il faudrait être fou pour tuer une biche qui à son faon à côté d’elle, car chacun sait que la chair en est maigre et dure. D’ailleurs, un coup de fusil le long du lac retentit quelquefois dans les rochers comme si on en avait tiré cinquante ; et qui pourrait dire où était placé l’homme qui l’a lâché ?

— Armé de la force des lois, monsieur Bumppo, dit le juge d’un ton grave, un magistrat vigilant peut prévenir une grande partie des désordres qui ont eu lieu jusqu’à présent, et qui contri-

  1. Rochambeau. Il y a dans le texte une espèce de patois, à peu près intraduisible en français.
  2. Chaque État de l’Union a son propre gouvernement, un gouverneur, un sénat et une assemblée qui décrètent toutes les lois intérieures. Le sénat et l’assemblée de chaque État s’appellent la législature ; comme le sénat et l’assemblée des représentants des deux États s’appellent congrès.