Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/239

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— Le pauvre est toujours prodigue quand il est dans l’abondance, répondit M. Temple, et il est bien rare qu’il songe au lendemain. Mais s’il existe quelque créature qu’il soit permis de détruire en si grande quantité à la fois, il faut convenir que c’est la perche. Pendant l’hiver, la glace la protège contre les attaques de l’homme, car jamais elle ne mord à l’hameçon, et jamais on ne la voit pendant les mois de chaleur. On présume qu’elle se retire alors dans les profondeurs du lac où l’eau est toujours plus fraîche. Ce n’est que pendant le printemps et l’automne, et seulement pendant quelques jours de ces deux saisons, qu’elle se montre dans des endroits où il est possible de la prendre à la seine. Mais, comme les autres trésors de la nature, elle commence déjà à disparaître, grâce à l’extravagante profusion de l’homme.

— Disparaître ! cousin ’Duke, s’écria le shérif ; vous appelez cela disparaître, quand vous en avez vu plus d’un millier à vos pieds, sans compter je ne sais combien de centaines d’autres poissons ? mais c’est votre manière accoutumée. D’abord c’étaient les arbres, ensuite ce furent les daims, après cela le sucre d’érable, et aujourd’hui ce sont les poissons. Un jour, vous parlez de canaux dans un pays où l’on trouve un lac ou une rivière à chaque demi-mille, uniquement parce que l’eau ne coule pas précisément du côté que vous le voudriez ; un autre, vous rêvez de mines de charbon, quand un homme qui a de bons yeux, des yeux comme les miens, voit ici plus de bois qu’il n’en faudrait pour en fournir pendant cinquante ans à la ville de Londres. Cela n’est-il pas vrai, Benjamin ?

— À l’égard de Londres, squire, répondit le majordome, ce n’est pas une petite ville, et si l’on pouvait en transporter ici les maisons, et les mettre à la suite les unes des autres, je crois qu’elles pourraient faire le tour de ce lac. Et cependant, j’ose dire que la forêt que nous avons en face pourrait lui fournir du bois bien longtemps, attendu que les habitants de Londres brûlent principalement du charbon.

— Puisque nous voilà encore sur le charbon, cousin ’Duke, dit Richard, cela me rappelle que j’ai à vous parler d’une affaire très-importante ; mais ce sera pour demain matin. Je sais que vous avez dessein de faire une excursion dans la partie occidentale de votre patente ; je vous accompagnerai, et je vous conduirai dans un endroit où une partie de vos projets pourra se réaliser.