Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je veux dire que vos descriptions sont animées. Y a-t-il longtemps que vous n’avez été dans cet endroit ?

Le vieux chasseur ne répondit rien. Plaçant son oreille presque à fleur d’eau, et retenant son haleine, il resta quelques minutes en silence, comme s’il eût cherché à entendre quelques sons éloignés. Enfin, relevant la tête, il se tourna vers Edwards.

— Si je n’avais attaché mes chiens de mes propres mains avec de bonnes courroies toutes neuves, dit-il, je ferais serment sur la Bible que j’entends mon vieux Hector aboyer sur la montagne.

— Impossible ! s’écria Edwards ; il n’y a pas une heure que je l’ai vu dans sa niche.

Mohican écoutait aussi avec attention ; mais, malgré toute celle qu’il prêtait aussi, le jeune homme ne put entendre que le mugissement de quelques bestiaux qui paissaient sur les montagnes du côté de l’ouest. Il regarda les deux vieillards, Natty, assis, formant avec sa main une sorte de cornet acoustique ; Mohican, debout, le corps penché en avant, le bras étendu, l’index levé en l’air comme pour recommander le silence, et il se mit à rire de les voir écouter des sons qu’il regardait comme imaginaires.

— Riez si vous voulez, monsieur Olivier, dit Natty, mes chiens sont lâchés, et ils chassent un daim ; j’en suis sûr. Je n’aurais pas voulu, pour une peau de castor, que cela arrivât. Ce n’est pas que je me soucie de la loi, mais la plupart des daims sont encore maigres dans cette saison, et Hector et la chienne n’y regarderont pas de si près. Les entendez-vous à présent ?

Edwards tressaillit, car les aboiements des chiens frappèrent alors son oreille. De moment en moment ils devinrent plus distincts ; bientôt ils furent répétés par tous les échos des rochers ; enfin un grand bruit se fit entendre dans les broussailles, un beau daim parut sur le bord du lac, s’y précipita, et les deux chiens qui le suivaient à la piste s’y jetèrent bravement après lui.