Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/269

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elle arrive à un endroit où la montagne se divise comme le pied fourchu d’un daim, laissant au milieu un creux profond dans lequel le ruisseau se précipite. La première chute peut être d’environ deux cents pieds, et avant d’arriver au fond l’eau ressemble à des flocons de neige. Alors elle se réunit et coule sur une surface presque nivelée d’environ cinquante pieds ; mais ce n’est que pour se reposer un instant, car elle fait ensuite une nouvelle chute de plus de cent pieds, après quoi se glissant entre les rochers, tantôt à droite, tantôt à gauche, elle arrive enfin dans la plaine.

— Je n’ai jamais entendu parler de cet endroit, et je crois qu’il n’en est question dans aucun livre.

— Je n’en ai jamais lu un seul. Et comment voulez-vous qu’un homme qui a passé sa vie dans les écoles et dans les villes connaisse les merveilles qui se trouvent dans les bois ? Non, non, monsieur Olivier ; ce petit ruisseau tombe du haut de ces rochers depuis que celui qui a fait le monde l’y a placé, et il n’y a peut-être pas une demi-douzaine d’hommes blancs qui l’aient jamais vu. Le rocher qui s’élève des deux côtés de la chute d’eau est comme un ouvrage de maçonnerie. Quand je suis assis au-dessus de la première chute, et que je vois mes chiens entrer dans les cavernes qui sont au-dessous de la seconde, il me semble voir des lapins qui se cachent dans leur terrier. Il n’y a que celui qui passe sa vie dans les bois qui peut savoir combien la main de Dieu y est admirable.

— Et que devient cette eau ? dans quelle direction coule-t-elle ? est-elle tributaire de la Delaware ?

— Comment ?

— Je vous demande si ce ruisseau va se jeter dans la Delaware.

— Non, non. C’est une goutte des eaux qui vont grossir l’Hudson ; mais il lui faut du temps avant d’y arriver. J’ai quelquefois cherché à calculer combien il en fallait pour que cette eau qui semble faite pour le désert se trouvât sous la quille d’un vaisseau en pleine mer. C’est un endroit qui est fait pour inspirer des réflexions. De là on voit des milliers d’acres de forêts auxquelles la main de l’homme n’a touché ni pour les abattre ni pour les planter, et qui ne s’y trouvent pas sans l’ordre de la Providence.

— Vous peignez avec de vives couleurs, Natty.

— Comment ?