Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/403

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— Il me reste peu de choses à vous dire, Monsieur. Je me rendis ici parce que j’avais entendu dire bien souvent que Natty demeurait sur les bords de ce lac ; et je l’y trouvai effectivement, prenant en secret les plus tendres soins de son ancien maître ; car lui-même ne pouvait supporter l’idée de donner en spectacle au monde, dans l’état où l’âge et les malheurs l’avaient réduit, un homme que tout un peuple avait regardé autrefois avec respect.

— Et que fîtes-vous alors ?

— J’employai le peu d’argent qui me restait à acheter un fusil et des vêtements grossiers, et je me mis à chasser avec Bas-de-Cuir. Vous savez le reste, monsieur Temple.

— Et fous n’afoir pas pensé au fieux Fritz Hartmann ! s’écria le major d’un ton de reproche. Le nom de Fritz Hartmann n’afoir donc jamais sorti de la pouche de fotre père ?

— J’ai pu avoir tort, Messieurs, répondit le jeune homme ; mais j’avais de la fierté, et je ne pouvais me résoudre aux aveux que ce jour m’a arrachés. Si mon aïeul avait vécu, jusqu’à l’automne, je comptais le conduire à New-York. Nous y avons des parents éloignés, et ils doivent maintenant avoir appris à pardonner aux tories qui ont défendu la cause royale. Mais il s’affaiblit rapidement, ajouta-t-il, et je crains qu’il ne repose bientôt à côté de Mohican.

L’air étant pur et le jour étant beau, ils resteront sur la terrasse jusqu’à l’arrivée de la voiture de M. Temple, et la conversation continua avec un intérêt toujours croissant, chaque phrase servant à mieux mettre dans tout leur jour les intentions bienfaisantes qu’avait eues Marmaduke, et chaque instant diminuant les préventions que le jeune Effingham avait conçues contre lui. Il ne fit plus d’objection au transport de son aïeul chez le juge, et le vieillard montra une espèce de plaisir enfantin quand il se vit placé dans la voiture. Lorsqu’on l’eut porté dans le salon, il porta les yeux tour à tour sur tous les meubles qui y étaient contenus, et il paraît que l’idée qui le frappa fut qu’il venait de rentrer dans sa maison, car il adressait quelques mots insignifiants de politesse à tous ceux qui s’approchaient de lui, comme s’il eût voulu en faire les honneurs. La fatigue du voyage, et le travail qu’occasionnait à son esprit le changement subit survenu dans sa situation, le jetèrent bientôt dans une sorte d’épuisement ; son petit-fils et Natty le portèrent dans l’appartement qui lui avait été