Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/103

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qu’il savait bien être le commandant, attendit un instant pour s’assurer si ce qu’il entendait était vrai. Voyant qu’aucune objection n’était faite, qu’aucun signe ne lui était adressé, il se contenta de montrer l’endroit où était l’esquif.

— Mes hommes l’ont quitté ! s’écria Wilder en reculant de surprise, au moment où il allait descendre du vaisseau.

— Les drôles se sont-ils enfuis ?

— Non, monsieur, ils ne se sont pas enfuis, et ce ne sont pas des drôles. Ils sont dans ce vaisseau, et il faut qu’ils se retrouvent.

L’autre attendit encore, pour voir l’effet que produiraient ces mots, prononcés d’un ton impérieux, sur l’individu qui était toujours sur le tillac, à l’ombre d’un mât. À la fin, n’entendant rien répondre, il sentit la nécessité d’obéir. Après avoir dit qu’il allait chercher après eux, il se dirigea vers l’avant du vaisseau, laissant Wilder seul, à ce que celui-ci croyait, en possession du tillac ; mais il fut bientôt détrompé. Le Corsaire, s’avançant d’un air libre de son côté, lui fit remarquer l’état de son vaisseau, pour faire diversion aux pensées de son nouveau lieutenant, qui, comme il le voyait à la manière précipitée dont il arpentait le vaisseau, commençait à se livrer à des réflexions désagréables.

— Voilà un charmant navire, monsieur Wilder, dit-il, facile à manœuvrer et vif en pleine mer. Je l’appelle le Dauphin, à cause de la manière dont il fend l’eau, et peut-être aussi, direz-vous, parce qu’il déploie autant de couleurs que ce poisson. D’ailleurs, il faut bien lui donner un nom, et je déteste vos sobriquets sanguinaires, vos Crache-Feu et vos Meurtriers.

— Vous êtes heureux d’avoir un pareil bâtiment. A-t-il été construit par votre ordre ?

— Il est peu de vaisseaux au-dessous de six cents tonneaux, lancés de ces colonies, qui n’aient été construits pour servir à mes fins, reprit le Corsaire en souriant, comme s’il voulait ranimer son compagnon en étalant sous ses yeux la mine inépuisable de richesses qu’il venait de s’ouvrir en se rangeant sous son pavillon. Ce vaisseau a été construit dans le principe pour sa majesté très-fidèle, et il était destiné, je crois, en présent aux Algériens, ou bien peut-être à les combattre ; mais… mais il a changé de maîtres, comme vous voyez, et sa fortune a subi quelque altération ; comment ou pourquoi, c’est une misère dont nous ne nous troublerons pas l’esprit dans ce moment. Il a pris port, et