Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/104

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grâce à quelques améliorations que j’y ai fait faire, il est disposé à merveille pour la course.

— Vous vous hasardez donc quelquefois en dedans des ports ?

— Lorsque vous aurez quelque loisir, mon journal secret pourra vous intéresser, répondit le Corsaire en éludant la question. J’espère, monsieur Wilder, que ce vaisseau vous paraît dans un état dont un marin n’a pas à rougir.

— Sa beauté, le soin et l’ordre qui en distinguent toutes les parties, m’avaient frappé dès le premier coup-d’œil, et c’est ce qui m’a fait chercher à savoir à qui il appartenait.

— Vous n’eûtes pas de peine à voir qu’il n’était porté que sur une seule ancre, reprit le capitaine en riant. Mais je ne hasarde jamais rien sans raison. Il ne me serait pas bien difficile, avec une artillerie telle que celle que j’ai à bord, de faire taire la batterie de ce simulacre de fort ; mais en le faisant, nous pourrions recevoir quelque mauvais coup, et ainsi je me tiens prêt à partir au premier instant

— Il doit être assez embarrassant de soutenir une guerre dans laquelle on ne peut jamais baisser pavillon, quelle que soit la position où l’on se trouve, dit Wilder plutôt du ton d’un homme qui réfléchit en lui-même, que de quelqu’un qui veut exprimer tout haut son opinion.

— La mer est toujours sons nos pieds, fut la réponse laconique du Corsaire. Mais à vous je puis dire que, par principe, je prends le plus grand soin de mes espars. Je les ménage comme le cheval que l’on destine à disputer le prix de la course ; car il arrive souvent qu’il faut que notre valeur soit tempérée par la prudence.

— Et où, comment vous radoubez-vous, lorsque vous avez souffert dans une tempête ou dans un combat ?

— Hem ! nous venons à bout de nous radouber, monsieur, et de tenir la mer en assez bon état.

Il s’arrêta, et Wilder, s’apercevant qu’il n’était pas encore jugé digne d’une confiance entière, garda le silence. L’officier ne tarda pas à revenir, suivi du nègre seul. Quelques mots suffirent pour faire connaître l’état où se trouvait Fid. Notre jeune aventurier en éprouva une sensible mortification. L’air de franchise et de bonne foi avec lequel il se retourna du côté du Corsaire pour le prier de pardonner à son matelot d’avoir pu s’oublier de la sorte convainquit celui-ci qu’il ne soupçonnait pas le petit complot dont Fid avait été la victime.