Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nière, dit Mrs de Lacey en jetant un coup d’œil expressif à ses deux compagnes ; quant à moi, je suis portée à adopter l’opinion du jeune marin, parce qu’il l’appuie sur des raisons solides tirées de sa profession.

Mrs Wyllys suspendit ses questions aussi long-temps que l’exigeait sa déférence pour la tante de son élève ; enfin elle reprit comme il suit, en s’adressant à Wilder :

— Et comment expliquez-vous cette différence d’opinion entre deux hommes qui, tous deux, doivent être en état de porter une décision sur ce point ?

— Je crois qu’il existe un proverbe bien connu qui répond à cette question, répliqua le jeune homme en souriant ; mais on doit avoir quelque égard aux améliorations qui ont eu lieu dans la construction et le gouvernement des navires, et peut-être aussi à la différence des fonctions dont nous avons été chargés à bord.

— Ces deux observations sont justes. Cependant on serait tenté de croire que les changemens survenus depuis six ans dans une profession qui est si ancienne ne peuvent être bien considérables.

— Je vous demande pardon, madame, il faut une pratique constante pour les connaître. J’ose dire, par exemple, que ce digne vétéran ne connaît pas la manière dont un navire fend les vagues avec sa poupe quand il est pressé par ses voiles.

— Impossible ! s’écria la veuve du contre-amiral ; le marin le plus novice, le dernier des matelots, doivent avoir été frappés de la beauté d’un tel spectacle.

— Sans doute ! sans doute ! répondit, du ton d’un homme offensé, le vieux marin, qui, s’il avait ignoré quelque partie de son métier, n’était probablement pas alors en humeur d’en convenir ; j’ai vu plus d’un magnifique navire faire cette manœuvre, et, comme madame vient de le dire, c’est un grand et beau spectacle.

Wilder parut confondu. Il se mordit les lèvres en homme qui s’était laissé surprendre par une ignorance excessive ou par une astuce supérieure ; mais la confiance de Mrs de Lacey en ses propres lumières le dispensa de faire une réplique.

— Il eût été vraiment extraordinaire, dit-elle, que les cheveux d’un homme eussent blanchi sur la mer, sans qu’il eût jamais été frappé de ce noble spectacle. Mais cependant, honnête vétéran, vous paraissez avoir tort de passer si légèrement sur les défauts