Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/120

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très évidens que ce… ce… ce jeune homme vient de nous faire remarquer si justement.

— Je ne vois aucun défaut dans ce bâtiment, madame. C’était ainsi que feu mon digne et brave commandant faisait toujours gréer son vaisseau, et j’ose dire que jamais meilleur marin ou plus honnête homme n’a servi sur les flottes de sa majesté.

— Vous avez donc servi le roi ? Et quel était le nom de votre commandant ?

— Quel était son nom ? Nous autres qui le connaissions bien nous avions coutume de le nommer Beau-Temps ; car, sous ses ordres, nous avions toujours belle mer et bon vent ; mais à terre on le nommait le brave et victorieux contre-amiral de Lacey.

— Et mon habile et respectable mari faisait gréer ses vaisseaux de cette manière ! s’écria la veuve avec un tremblement dans la voix qui annonçait toute la surprise d’un orgueil satisfait.

Le vieux marin leva ses membres fatigués de la pierre sur laquelle il était assis, et répondit en s’inclinant profondément :

— Si j’ai l’honneur de voir l’épouse de mon amiral, c’est une joie pour mes vieux yeux. J’ai servi seize ans à bord de son propre vaisseau, et cinq ans de plus sur la même escadre. J’ose dire que madame peut l’avoir entendu parler du gabier en chef de sa grande hune, de Bob Bunt[1].

— Sans doute ! sans doute ! il aimait à parler de ceux qui le servaient fidèlement.

— Oui, que Dieu l’en récompense, et qu’il rende sa mémoire glorieuse ! c’était un officier plein de bonté, et qui n’oubliait jamais un ami, soit que son devoir l’occupât sur une vergue ou dans la cabine. C’était l’ami du matelot, le contre-amiral de Lacey !

— C’est un homme reconnaissant, dit Mrs de Lacey, et je suis sûre qu’il est fort en état de juger d’un bâtiment. — Et êtes-vous bien certain, mon digne ami, que feu mon respectable mari faisait gréer ses vaisseaux de la même manière que celui dont nous parlons ?

— Je dois en être certain, madame, puisque j’y mettais la main.

— Même les sous-barbes ?

— Et les liures, madame. Si l’amiral vivait encore, et qu’il fût

  1. Robert Bunt. — Éd.