Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/191

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— J’aurais dû dire son matelot, car on ne voit qu’un seul individu sur son bord.

— Et de quoi était-il occupé ?

— Il était assis sur les porte-haubans et paraissait endormi. C’est un navire indolent, monsieur, et je crois qu’il coûte à ses armateurs plus d’argent qu’il ne leur en rapporte.

— Cela est possible. Eh bien ! que le drôle s’échappe. — Monsieur Earing, il y a toute apparence d’une brise venant de la mer, nous déploierons de nouveau nos voiles de hunes afin d’être prêts à la recevoir. Je serais charmé que nous pussions voir le soleil se cacher dans la mer.

Les deux lieutenans et tout l’équipage s’occupèrent avec empressement de leur tâche, et les matelots, curieux et étonnés, tout en étendant les voiles pour inviter la brise, firent force questions à ceux de leurs camarades qui avaient été dans la chaloupe et qui leur répondirent d’un ton grave et solennel. Wilder, pendant ce temps, se tourna vers Mrs Wyllys, qui avait entendu sa courte conversation avec le lieutenant.

— Vous voyez, madame, lui dit-il, que notre voyage ne commence pas sans quelques présages.

— Quand vous me dites avec l’air de singulière sincérité que vous possédez quelquefois, jeune homme inexplicable, lui répondit-elle, que nous commettons une imprudence en nous confiant à l’océan sur ce bâtiment, je suis à demi portée à ajouter foi à vos paroles ; mais quand vous avez recours à l’échafaudage de la sorcellerie pour appuyer vos avis, vous ne faites que me confirmer dans ma détermination de faire ce voyage.

— Du monde au cabestan ! s’écria Wilder d’un ton qui semblait dire à ses compagnes : — Puisque vous êtes si décidées, l’occasion de montrer votre résolution ne vous manquera pas. — Du monde au cabestan ! Il faut tâcher de profiter de la brise qui commence à se faire sentir, et conduire le vaisseau au large pendant qu’il fait encore jour.

Le son des anspects précéda le chant des matelots. Alors commença le travail pénible de lever la lourde ancre du fond de la mer, et, quelques minutes après, le navire se trouva dégagé des fers qui l’enchaînaient à la terre.

Un bon vent ne tarda pas à arriver du côté de l’eau, chargé de l’humidité saline de cet élément. À mesure qu’il se faisait sentir aux voiles étendues et agitées, le navire semblait saluer l’hôte