Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/361

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plaisir de le braver, puisque la prudence défendra d’aller plus loin ; et, si nous sommes égaux en force, ne serait-ce pas un spectacle bien doux que de voir saint George aller au fond de l’eau ?

— Je croyais que les hommes de notre profession laissaient l’honneur aux imbéciles, et que nous frappions rarement un coup qui ne dût résonner sur un métal plus précieux que le fer ?

— C’est le caractère que le monde nous donne ; mais quant à moi, j’aimerais mieux abaisser l’orgueil des favoris du roi George que d’avoir la clé de son trésor. — Me suis-je trompé, général, ajouta-t-il en voyant approcher ce dernier ; me suis-je trompé en disant qu’il y avait de la gloire et du plaisir à donner la chasse à un vaisseau du roi ?

— C’est pour la victoire que nous combattons, répondit le soldat. Je suis prêt à commencer au premier signal.

— Voilà ce qui s’appelle être prompt et décidé comme un guerrier. — Maintenant dites-moi, général, si la Fortune, ou le Hasard, ou bien la Providence, quelle que soit celle de ces trois divinités dont vous reconnaissiez la puissance, vous donnait le choix, quelle serait la chose qui vous plairait le plus ?

Le soldat sembla réfléchir avant de répondre.

— J’ai souvent pensé, dit-il enfin, que si j’étais le maître, je chargerais à la tête d’une douzaine de mes plus vaillans soldats, pour enfoncer la porte de cette caverne dans laquelle entra ce fils de tailleur nommé Aladin.

— Voilà bien les véritables goûts d’un flibustier ! — Dans ce cas, les arbres magiques seraient bientôt dépouillés de leurs fruits. Toutefois la victoire pourrait ne pas vous laisser beaucoup de gloire, puisque les enchantemens et les charmes sont les seules armes des combattans. L’honneur ne vous semble-t-il rien ?

— Hum ! J’ai combattu pour l’honneur pendant la moitié d’une vie passablement longue, et je me suis trouvé la bourse aussi légère, après avoir couru tous les dangers, qu’en commençant. L’honneur et moi nous nous sommes dit adieu, et pour long-temps. J’ai un profond dégoût pour la défaite, mais je suis toujours prêt à vendre bon marché le pur honneur de la victoire.

— Eh bien ! soit : pourvu que vous vous battiez bien, peu importe l’impulsion d’après laquelle vous agissez. Que veut dire ceci ? qui a osé laisser flotter cette voile de perroquet ?