Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/450

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n’ayez aucun sujet de vous plaindre ; je vous abandonne mes trésors. Voyez, ajouta-t-il en se levant, cette enseigne sanglante avec laquelle il avait si souvent bravé le pouvoir des nations, pour laisser voir des monceaux de ce métal qui gouverne depuis si long-temps le monde ; voyez ! tout cela était à moi ; c’est maintenant à vous. Ces richesses seront transportées à bord de ce bâtiment côtier ; là vous les partagerez entre vous comme vous le jugerez convenable ; je vous en laisse les maîtres. Allez ; la terre est proche. Dispersez-vous, dans votre intérêt même. N’hésitez pas ; car sans moi, vous savez bien que ce croiseur royal serait bientôt maître de vous. Le vaisseau m’appartient déjà ; de tout le reste, je ne vous demande que ces prisonniers pour ma part. Adieu !

Une muette stupeur suivit cette allocution inattendue. Il y eut bien un instant quelques dispositions à la révolte ; mais le Corsaire avait trop bien pris ses mesures pour que la résistance fût possible. Le Dard était droit par le travers de leur vaisseau, tous les canonniers à leur poste et mèche allumée. Surpris, n’étant pas préparés, sans chef pour les conduire, toute opposition aurait été de la folie. À peine furent-ils revenus de leur étonnement, que chaque flibustier courut rassembler ses effets personnels et les transporter à bord du bâtiment côtier. Lorsque tous, à l’exception de l’équipage d’une seule chaloupe, eurent quitté le Dauphin, l’or qui leur avait été promis leur fut envoyé, et alors le bâtiment encombré s’éloigna précipitamment pour chercher l’abri de quelque crique secrète. Pendant cette scène le Corsaire avait gardé un silence de mort. Il se retourna alors vers Wilder, et, faisant un effort pour commander à ses sentimens, il lui dit :

— Maintenant il faut aussi nous séparer. Je recommande mes blessés à vos soins ; il a fallu les laisser auprès de vos chirurgiens. Je sais que vous n’abuserez pas de ma confiance.

— Ma parole est garante de leur sûreté, répondit le jeune de Lacey.

— Je vous crois. — Madame, ajouta-t-il en s’approchant de la plus âgée des deux dames, avec un mélange singulier d’amitié et d’incertitude, si un homme proscrit et coupable peut encore vous adresser la parole, accordez-moi une faveur.

— Laquelle ? une mère n’a rien à refuser à celui qui a épargné son fils.

— Eh bien ! lorsque vous prierez le Ciel pour ce fils, n’oubliez