Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/290

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se porta aux joues du guerrier avec une telle force qu’elles en parurent plus brunes encore ; mais saisissant la poignée de sa hache avec une espèce de convulsion, il continua d’écouter, comme habitué à se vaincre lui-même.

— Qu’est-ce qu’un homme rouge peut voir ? répondit-il en montrant le verger avec un sombre sourire, et exposant, par le mouvement de la draperie écarlate, à l’instant où il levait son bras, deux ou trois trophées sanglants attachés à sa ceinture. Nos oreilles sont ouvertes. Nous écoutons pour entendre de quelle manière les terres de chasse des Indiens sont devenues champs labourés des Yengeeses. Que mes hommes sages écoutent, afin de devenir plus adroits quand les neiges pèseront sur leurs têtes. Les hommes pâles ont un secret pour faire que le noir paraisse blanc !

— Narragansett…

— Wampanoag ! interrompit le chef avec l’air de hauteur que prend un Indien pour s’identifier à la gloire de son peuple. Puis, jetant un regard de douceur au jeune guerrier qui était à son côté, il ajouta promptement avec le ton d’un courtisan : — C’est très-bien, Narragansett ou Wampanoag, Wampanoag ou Narragansett : les hommes rouges sont frères et amis. Ils ont brisé les barrières qui les séparaient de leurs terres de chasse, ils ont nettoyé les épines du sentier de leur village. Qu’as-tu à dire au Narragansett ? il n’a pas encore fermé son oreille.

— Wampanoag, puisque tel est le nom de ta tribu, répondit Content, tu entendras que ce que ma conscience dicte est un langage qui peut être prononcé. Le Dieu des Anglais est le Dieu des hommes de tous les rangs et de tous les temps… Les auditeurs indiens secouèrent la tête, à l’exception du plus jeune chef, dont les yeux ne changèrent point de direction ; tandis que Content parlait, chaque mot semblait entrer profondément dans son esprit. — En défi de ces signes de blasphème, ajouta Content, je proclame le pouvoir de celui que je sers ! Mon Dieu est ton Dieu, et maintenant il observe mes actions et pénètre jusque dans le fond de nos cœurs. Le ciel au-dessus de nos têtes est son trône, et cette terre son marche-pied ! Je ne prétends point pénétrer dans ses sacrés mystères, ni proclamer la raison pour laquelle la moitié des hommes, son plus bel ouvrage, est depuis si longtemps plongée dans cette profonde ignorance, dans ces abominations païennes dans lesquelles mes pères l’ont trouvée ; pourquoi les