Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/43

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rendu toute dissimulation impossible si l’on eût jugé à propos d’en faire usage.

— Ce jeune étourdi voudrait faire soupçonner que la lame de ton couteau a été fatale à un mouton qui manque à notre bergerie depuis ce matin que le troupeau est allé paître sur la montagne, dit le capitaine Heathcote d’une voix calme ; mais le vieillard baissait en même temps les yeux sur la terre, en attendant une réponse à une demande qui avait été dictée par un juste sentiment des droits de propriété.

L’étranger demanda d’une voix qui n’avait rien perdu de sa fermeté : — La faim est-elle un crime que ceux qui habitent si loin des demeures de l’égoïsme punissent de leur colère ?

— Le pied d’un chrétien ne s’est jamais approché des barrières de Wish-ton-Wish pour être renvoyé sans charité ; mais ce qu’on donne volontairement ne doit pas être pris avec licence. De la montagne où mes troupeaux vont paître, il est facile, à travers les ouvertures de la forêt, de voir le toit de ma demeure ; et il eût mieux valu que le corps languît pendant quelques instants, que de faire peser une faute sur cet esprit immortel dont le fardeau est déjà assez lourd, à moins que tu ne sois plus heureux que ceux qui font partie de la race déchue d’Adam.

— Mark Heathcote, dit l’accusé d’un ton toujours calme, regarde avec plus de soin ces armes, que, si je suis coupable, j’ai eu tort de placer en ton pouvoir ; tu y trouveras de quoi t’étonner bien plus que de quelques brins de laine épars, que la fileuse rejetterait comme trop grossiers.

— Il s’est passé bien du temps depuis que j’ai trouvé du plaisir à manier des instruments de guerre, dit le Puritain ; puisse-t-on n’en pas avoir besoin de longtemps dans cet asile de paix ! Ce sont des instruments de mort, ressemblant à ceux dont se servaient, dans ma jeunesse, les chevaliers de Charles Ier et de son pusillanime père. Il y avait beaucoup d’orgueil mondain, une grande vanité et autant d’irréligion dans les guerres que j’ai vues, mes enfants, et cependant l’homme charnel trouve du plaisir dans le mouvement de ces jours privés de la grâce ! — Viens ici, enfant ; tu as souvent désiré connaître comment la cavalerie est conduite au combat lorsque les larges bouches à feu et la grêle pétillante du plomb ont ouvert un passage aux efforts des chevaux, et permettent aux hommes de s’attaquer corps à corps ; l’excuse de ces combats dépend des pensées intérieures et du caractère de celui