CHAPITRE IV.
omme fille, Ruth Harding avait été une des créatures les plus
douces et les plus charmantes de la nature humaine. Quoique de
nouvelles impulsions eussent été données à sa sensibilité naturelle
par ses devoirs de femme et de mère, le mariage n’avait apporté
aucun changement dans son caractère. Soumise et dévouée à ceux
qu’elle aimait, telle ses parents l’avaient connue, telle Content la
trouvait encore après bien des années d’union. Malgré l’égalité
parfaite de son âme et le calme de ses manières, sa sollicitude
pour ceux qui formaient le petit cercle au milieu duquel elle
vivait ne s’était pas ralentie un instant : elle était demeurée cachée,
mais active au fond de son cœur, comme un puissant principe
de vie. Quoique les circonstances eussent placé Ruth sur une
frontière dangereuse et éloignée, où le temps manquait aux occupations
ordinaires de la vie, ses habitudes n’étaient pas plus changées
que ses sentiments et son caractère : la fortune de son mari
la dispensait de tout travail fatigant ; et tandis qu’elle affrontait
les dangers des déserts et qu’elle ne négligeait aucun des devoirs
actifs de sa position, elle avait échappé à toutes les fâcheuses conséquences
qui altèrent la fraîcheur et la grâce des femmes. Malgré
les dangers continuels d’une existence passée sur les frontières,
Ruth était toujours timide, remplie d’attraits, et conservait
l’apparence de la première jeunesse.
Le lecteur imaginera facilement sans doute l’inquiétude avec laquelle cet être craintif et sensible suivait la course rapide d’un mari engagé dans une aventure que Ruth ne croyait pas sans périls. Malgré l’influence d’une longue habitude, les colons de Wish-ton-Wish approchaient rarement de la forêt après la chute du jour sans la certitude intérieure d’un danger réel. C’était l’heure à laquelle les habitants affamés des forêts se mettaient en mouvement, et le bruit d’une feuille agitée par le vent, le craquement d’une branche sèche sous le poids du plus petit animal, pré-