Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/100

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Mes neveux ont-ils pris déjà mon patrimoine
Et jeté bas le rouge étendard du beffroi ?
Suis-je défunt ou suis-je encor maître chez moi ?
Réponds. Puis, comme j’ai la tête encor troublée,
Cherche sur ce dressoir ma coupe ciselée,
Et me verse un grand coup de vin.

                                                              — En vérité,
Dieu puissant, dit le moine, il est ressuscité !
— Ressuscité ? J’étais donc mort ? Par mes ancêtres,
Je vais faire demain pavoiser mes fenêtres,
Recevoir mes neveux du haut de mon balcon
Et leur offrir à tous une chasse au faucon
Quand ils viendront, la larme à l’œil, pour mes obsèques,
Puis, après un repas comme en font nos évêques,
Les renvoyer tous gris abominablement. »

Le moine avec deux doigts se signa triplement
Sur la poitrine, sur le front et sur la bouche,
Se leva, fit un pas vers le vieillard farouche,
Et, d’une voix encor palpitante d’émoi,
Il dit :
             « Et maintenant, margrave, écoutez-moi.