Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/190

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Pesamment et d’un coup glisser contre son corps.
Pure, à travers la nuit profonde et solennelle,
L’âme de l’enfant mort venait d’ouvrir son aile,
Ainsi que d’une salle ouverte à l’air du soir
S’envole un papillon silencieux et noir.

Après un long regard échangé sans rien dire,
Un long regard chargé d’horreur et de délire,
Les vieillards, abattus par un terrible effort,
Tombèrent à genoux devant Angelus mort.
Ils restèrent ainsi toute la nuit, farouches,
Collant les froides mains du cadavre à leurs bouches,
Atterrés, leurs sanglots muets les étouffant,
N’osant lever les yeux sur le front de l’enfant
Qui prenait la blancheur dure et froide des pierres.
Mais, comme s’il était gravé sous leurs paupières,
Ce visage chéri, qu’ils ne voulaient plus voir,
Leurs yeux, leurs yeux fermés, toujours sur un fond noir
Distinguaient Angelus, penché d’un air débile,
Pâle et leur souriant d’un sourire immobile.

Ah ! cette nuit, tandis qu’ils se désespéraient,
Était-ce seulement leur enfant qu’ils pleuraient ?
Ne s’accusaient-ils pas, ces deux hommes candides ?
Ne maudissaient-ils pas leurs cheveux blancs stupides ?