Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/191

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Ne comprenaient-ils pas enfin, les malheureux,
Que cet être adorable était tué par eux ?
Que l’absurde consigne et la vaine prière,
Auxquelles ils avaient donné leur vie entière,
Avaient fait leur malheur et leur aveuglement ?
Que prier seulement, combattre seulement,
Cela n’est pas assez pour l’homme, et qu’il est lâche
Et mauvais de n’avoir ici-bas qu’une tâche ?
Qu’il faut que chacun soit amant et père un jour ;
Que la loi du devoir est une loi d’amour ;
Qu’être seul, cela tue et cela paralyse ;
Que la famille, c’est la patrie et l’église ;
Que l’épée au fourreau doit orner le foyer ;
Que les yeux de l’enfant font croire et font prier ;
Que si tous deux, le vieux soldat et le vieux prêtre,
Ils n’avaient pu sauver ce pauvre petit être,
A qui pourtant leur cœur entier se dévouait,
C’est qu’ils l’avaient aimé comme on aime un jouet ;
Que leur expérience était une chimère ;
Qu’ils n’étaient que de vieux enfants ; et qu’une mère,
Qui, dans l’humble maison d’un pauvre matelot,
Balaye et lave, et met les légumes au pot,
Et ravaude son linge, et file sa quenouille,
Et tout à la fois baise, allaite et débarbouille
Six marmots qu’elle voit autour d’elle courir,