Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/230

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Afin de maintenir la grève plus longtemps,
Sauraient bien surveiller et punir les transfuges.
 
Et la misère vint. ― O mes juges, mes juges !
Vous croyez bien que, même au comble du malheur,
Je n’aurais jamais pu devenir un voleur,
Que rien que d’y songer, je serais mort de honte ;
Et je ne prétends pas qu’il faille tenir compte,
Même au désespéré qui du matin au soir
Regarde dans les yeux son propre désespoir,
De n’avoir jamais eu de mauvaise pensée.
Pourtant, lorsque au plus fort de la raison glacée
Ma vieille honnêteté voyait ― vivants défis ―
Ma vaillante campagne et mes deux petits-fils
Grelotter tous les trois près du foyer sans flamme,
Devant ces cris d’enfants, devant ces pleurs de femme,
Devant ce groupe affreux de froid pétrifié,
Jamais ― j’en jure ici par ce Crucifié ―
Jamais dans mon cerveau sombre n’est apparue
Cette action furtive et vile de la rue,
0ù le cœur tremble, où l’œil guette, où la main saisit.
Hélas ! si mon orgueil à present s’adoucit,
Si je plie un moment devant vous, si je pleure,
C’est que je les revois, ceux de qui tout à l’heure
J’ai parlé, ceux pour qui j’ai fait ce que j’ai fait.