Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/229

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— Mon gendre a mal tourné, ma fille est morte en couches ―
Je regardai, pensif, ces deux petites bouches
Qui bientôt connaîtraient la faim ; et je rougis
D’avoir ainsi juré de rester au logis.
Mais je n’étais pas plus à plaindre que les autres ;
Et, comme on sait tenir un serment chez les nôtres,
Je me promis encor de faire mon devoir.
Ma vieille femme alors rentra de son lavoir,
Ployant sous un paquet de linge tout humide ;
Et je lui dis la chose avec un air timide.
La pauvre n’avait pas le cœur à se fâcher ;
Elle resta, les yeux fixés sur le plancher,
Immobile longtemps, et répondit :
 
                                                « Mon homme,
Tu sais bien que je suis une femme économe.
Je ferai ce qu’il faut ; mais les temps sont bien lourds,
Et nous avons du pain au plus pour quinze jours. »
Moi je repris :
 
                            « Cela s’arrangera peut-être ! »
Quand je savais qu’à moins de devenir un traître
Je n’y pouvais plus rien, et que les mécontents,