Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/241

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En effet, elle était robuste comme un bœuf,
Exacte comme un coq, probe comme un gendarme.
Sa tête, un peu commune, avait pourtant ce charme
Que donnent des couleurs, deux beaux yeux et vingt ans.
De plus, toujours noués de foulards éclatants,
Ses cheveux se tordaient, noirs, pesants et superbes.
Elle savait filer, coudre, arracher les herbes,
Faire la soupe aux gens et soigner le bétail.
La dernière à son lit, la première au travail,
Aux mille soins du jour empressée et savante,
C’était le type enfin de la bonne servante.

Sage ? Qui sait ? Mais nul n’en médisait du moins.

Ce n’est que l’autre été, quand on faucha les foins,
Qu’elle fut tout à coup prise d’un goût étrange
Pour un assez beau gars, mauvais batteur en grange,
Qui courait les cafés et vivait de hasards,
Mais qui, sept ans, avait servi dans les hussards.
Tout fier d’avoir porté jadis la sabretache,
Il avait conservé la petite moustache
Et ce certain air fat qui fait qu’on est aimé.
Tout le village était par ce drôle opprimé.
Au bal, c’était toujours pour lui les belles filles ;
Au billard, observant le choc savant des billes,