Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/282

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Je te crois forte assez pour subir ces épreuves ;
Car celles de ton sang, du jour qu’elles sont veuves
De quelque batailleur mis à mal n’importe où,
Prennent sa lourde épée et la pendent au clou
Et n’ont plus d’autre croix pour dire leur prière.
Pour toi, tu restes fille, enfant, et la dernière
De la race. Eh bien donc, sois-en digne et promets
De garder le vieux nom vierge et pur à jamais.
Si tu ne prends l’habit, point de mésalliance ;
Et fais-en le serment pour qu’avec confiance
Je puisse me coucher dans la paix du cercueil.
Alors la jeune fille, entendant sur le seuil
Un faible bruit, tourna ses regards en arrière
Et vit là son petit compagnon de prière
Qui, sans savoir pourquoi, mais désolé, pleurait.

C’était un sentiment bien vague, bien secret,
Bien indécis, exempt de toute ardeur qui tente,
Fait d’amitié craintive et de langueur latente,
Qu’ils avaient jusque-là l’un pour l’autre éprouvé.
Leur timide désir n’avait jamais rêvé
Plus loin que le bonheur de prier côte à côte,
Par un jour de soleil comme à la Pentecôte,
Sous le même rayon, devant le même autel.