Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/288

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Et quelque autre marmot qui traîne la semelle
Et la suit, fatigué, s’accrochant aux jupons ;
Le fils avec le sac au pain et les jambons,
Et la fille emportant sur son dos la vaisselle.
Heureux ceux qui n’ont pas quelque vieux qui chancelle
Et qui gronde et qu’on a, s’effarant, après soi !
Pourquoi donc partent-ils, ces braves gens ?
Pourquoi s’en vont-ils par l’Europe et vers le nouveau
monde, Étonnés de montrer leur douce pâleur blonde
Et la calme candeur de leurs tristes yeux bleus
Sur les chemins de fer bruyants et populeux ?
C’est que parfois la vie est inhospitalière.
Longtemps leur pauvreté naïve, pure et fière,
En plein champ, près du pot de grès et du pain bis,
A lutté, n’arrachant que de maigres épis
A la terre trop vieille et devenue avare.
Car il leur fut ingrat, implacable et barbare,
Ce vieux sol paternel, ce sol religieux,
Où parfois, comme un don laissé par les aïeux,
Leur pioche déterrait un peu d’or ou des armes,
Et que leur front baignait de sueurs et de larmes,
Tristes et patients, longtemps ils ont lutté
Contre son inertie et sa stérilité,
Mais vainement. Alors, la vie étant trop chère
Pour qu’ils pussent laisser, une année, en jachère