Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/289

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Ce sol qui refusait toujours de les nourrir,
Ils ont vu qu’il fallait s’en aller ou mourir ;
Et tous, pleins du regret des récoltes futures,
Ils sont partis vers les lointaines aventures.
Oh ! comme je les plains, les humbles, les petits,
Tous ceux-là qui sont nés et qui vivent blottis
Timidement autour d’un clocher de village ;
Ceux que retient, bien mieux que l’ancien vasselage
Et que tous les vieux jougs du monde féodal,
L’étroit et tendre amour de leur pays natal ;
Ceux-là que le galop d’un voyageur étonne,
Qui sentent que le vrai bonheur est monotone
Et qui ne veulent pas d’autre sort que le sort
De leurs pères, de qui la naissance et la mort
S’inscrivaient, – c’était tout, – aux marges d’une Bible.
Quand il leur faut quitter la masure paisible,
Le foyer près duquel leur enfance a rêvé
Et le champ que leurs bras virils ont cultivé ;
Quand ils s’en vont, tirant ou poussant la charrette,
Et jetant un regard suprême et qui regrette
A mille objets qui sont pour eux de vieux amis :
Au pâturage avec les grands bœufs endormis,
Au vieux pont, à l’auberge en face de l’église,
A l’enseigne où le grand Frédéric prend sa prise,